Statut de la magistrature
Des magistrats sans statut légal
Sommaire
- Le hold-up constitutionnel et le coup d’État juridique
- Loi n° 58-520 du 3 juin 1958 : une usurpation de pouvoirs
- Une justice dépendante : la nomination des magistrats sous contrôle politique
- La trahison des citoyens par le référendum et les discours de Charles de Gaulle
- Violation des principes constitutionnels fondamentaux
- Violation des engagements internationaux de la France
- Conclusion
LE HOLD-UP CONSTITUTIONNEL ET LE COUP D’ÉTAT JURIDIQUE
L’adoption de la Constitution de 1958 et des ordonnances qui l’ont suivie, en particulier l’Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, s’est faite dans des conditions qui trahissent gravement les principes fondamentaux du droit constitutionnel et la volonté du peuple français. Au lieu de simplement réviser la Constitution de 1946, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 a été dévoyée pour instaurer un régime entièrement nouveau.
En effet, le texte lui-même ne prévoyait qu’une modification ciblée de la Constitution existante. Il ne prévoyait pas une refonte totale des institutions ni le passage à un régime présidentiel fort. Or, dans la pratique, ce mandat limité a servi de prétexte pour confier au gouvernement le pouvoir de rédiger et de promulguer une Constitution entièrement nouvelle. La procédure prévue par la Constitution de 1946, et en particulier son article 90, imposait une double lecture à l’Assemblée nationale, éventuellement suivie d’un référendum, pour toute révision constitutionnelle. En choisissant de court-circuiter cette procédure, le gouvernement a obtenu ce que l’on peut qualifier de « mandat blanc » : sans avoir à rendre de comptes au Parlement, il a pu élaborer un texte fondateur en dehors de tout contrôle démocratique effectif.
Le résultat a été l’émergence d’une Constitution qui n’a pas été adoptée selon les règles qu’elle-même avait hérité de la Troisième et de la Quatrième République. Cette absence de légitimité formelle rend la Constitution de 1958, et par extension l’Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958, juridiquement contestable. En d’autres termes, le passage d’une simple révision à une transformation complète du régime politique s’est fait hors du cadre juridique prévu, ce qui équivaut à un véritable coup d’État juridique.
A. L’article 92 : Un abus de pouvoir constitutionnel
Au cœur de la fraude juridique de 1958 se trouve l’article 92 de la Constitution, qui a conféré au gouvernement le pouvoir de prendre des ordonnances ayant force de loi pour organiser les nouvelles institutions. Or, cet article ne figurait pas dans le texte original de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, laquelle ne prévoyait qu’une simple révision de la Constitution de 1946, sous contrôle parlementaire et référendaire. En ajoutant l’article 92, le gouvernement a contourné l’article 90 de la Constitution de 1946, qui imposait une procédure stricte de révision nécessitant une double lecture à l’Assemblée nationale, suivie, le cas échéant, d’un référendum populaire. Ainsi, sans aucun vote du Parlement dissous, Charles de Gaulle et son gouvernement se sont arrogé la faculté de légiférer unilatéralement, sans contre-pouvoir ni débat démocratique. Cet usage de l’article 92 a servi d’instrument pour imposer des ordonnances décisives, telles que l’Ordonnance 58-1270 sur le statut de la magistrature, sans la moindre légitimité constitutionnelle. Dès lors, l’article 92 s’est transformé en un véritable outil de coup d’État juridique, neutralisant le rôle du Parlement et confiant à l’exécutif un pouvoir que seule l’Assemblée nationale aurait dû détenir.
B. Une ordonnance prise sans base légale : Violation de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 établissait cinq principes fondamentaux à respecter lors de la révision de la Constitution, dont le quatrième précisait que « l’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles telles qu’elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l’homme à laquelle il se réfère ». Pourtant, l’Ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 a rompu ce principe en instaurant un lien hiérarchique direct entre les magistrats du parquet et le garde des Sceaux, plaçant le ministère de la Justice en position de contrôle sur l’autorité judiciaire. Pire encore, la nomination des magistrats du siège par décret présidentiel a imposé une ingérence manifeste de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a été conçu sous influence politique, là où son rôle aurait dû être de garantir l’indépendance judiciaire ; en réalité, ses membres ont été nommés par décret, sans aucune validation parlementaire.
De surcroît, cette ordonnance, promulguée comme loi organique, a été signée et promulguée par Charles de Gaulle en tant que président du Conseil, sans jamais être déposée à l’Assemblée nationale pour discussion ou approbation. Elle n’a donc pas respecté les exigences de l’article 46 de la Constitution, qui impose qu’une loi organique fasse l’objet d’un examen et d’un vote en séance publique, article par article, ainsi que l’avis obligatoire du Conseil constitutionnel avant promulgation. L’Ordonnance 58-1270 viole également l’article 34 de la Constitution, qui réserve expressément au Parlement la définition des règles fondamentales concernant l’organisation judiciaire, et l’article 10, qui impose la promulgation par décret du Président de la République après que la loi ait été votée et promulguée. En conséquence, l’Ordonnance 58-1270 était illégale dès sa publication, puisqu’elle contredisait la loi constitutionnelle même qui l’avait ostensiblement autorisée.
Au moment de son adoption, la Constitution de 1946 restait en vigueur, et son article 90 fixait une procédure très stricte pour toute révision constitutionnelle : il fallait impérativement une double lecture par l’Assemblée nationale, puis un référendum populaire en cas de désaccord. La loi du 3 juin 1958 a ignoré ces dispositions, suspendant le Parlement et remplaçant cette procédure par un simple référendum sans contrôle parlementaire. À ce dispositif illégal s’est ajouté l’article 92, qui n’avait aucune existence dans la loi constitutionnelle initiale et qui n’aurait pu être introduit qu’après un vote explicite du Parlement. Privé de toute légitimité démocratique, cet article a permis à l’exécutif d’imposer des ordonnances sans qu’aucun député ou sénateur ne puisse intervenir.
En définitive, l’Ordonnance 58-1270 représente le paroxysme de cette dérive : elle a été élaborée et appliquée alors que la Constitution de 1946 exigeait l’intervention du Parlement, et la Constitution de 1958, dans sa loi de révision du 3 juin, n’autorisait qu’une révision limitée, pas la création d’un statut de magistrature sans contrôle démocratique. Dans ces conditions, l’Ordonnance 58-1270 est dépourvue de toute légitimité constitutionnelle, puisqu’elle viole à la fois l’article 90 de la Constitution de 1946 et l’article 34 de la Constitution de 1958. Son adoption constitue donc une infraction grave aux principes fondamentaux du droit et une escroquerie institutionnelle de grande ampleur.
Loi n° 58-520 du 3 juin 1958 : Une usurpation de pouvoirs
La loi n° 58-520 du 3 juin 1958 a été adoptée dans un contexte de crise politique aiguë, alors que Charles de Gaulle venait d’être investi comme président du Conseil le 1er juin 1958 pour faire face aux événements en Algérie. Cette loi accordait au Gouvernement de la République la possibilité de prendre, pendant une durée de six mois à compter de sa promulgation, des décrets dits « ordonnances » afin de procéder à la révision constitutionnelle et au redressement de la nation. Toutefois, le texte précisait clairement que ces ordonnances ne pouvaient pas empiéter sur les domaines relevant de la souveraineté nationale, tels que les libertés fondamentales, la législation électorale ou les règles de séparation des pouvoirs, et qu’elles devaient être déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale pour être ratifiées.
En réalité, l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, comme les autres ordonnances prises à cette période, ont largement outrepassé ces limites. En soumettant le pouvoir judiciaire à l’autorité du garde des Sceaux et en créant un Conseil supérieur de la magistrature sous influence politique, ces ordonnances ont porté atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Plus grave encore, aucune de ces ordonnances n’a jamais été soumise à l’Assemblée nationale pour ratification, en violation flagrante de la loi du 3 juin 1958. Privées du vote parlementaire requis, elles n’ont jamais pu acquérir force de loi et sont juridiquement caduques.
Cette manœuvre législative a permis à Charles de Gaulle de se substituer au Parlement et d’imposer un régime constitutionnel sans respecter les procédures démocratiques prévues par la loi. En confisquant la souveraineté nationale et en échappant à toute forme de contre-pouvoir, l’exécutif a instauré une dictature juridiquement légalisée, dans laquelle il domine à la fois l’autorité judiciaire et le pouvoir législatif. Par conséquent, toutes les institutions mises en place sur cette base sont illégitimes, et la Ve République apparaît dès ses origines comme un régime autoritaire déguisé en processus légal. En définitive, la loi n° 58-520 du 3 juin 1958 aura été détournée pour justifier un véritable coup d’État juridique.
Une justice dépendante : la nomination des magistrats sous contrôle politique
A. Une nomination des magistrats aux mains de l’exécutif
L’Ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 a instauré un système dans lequel la nomination et la gestion des carrières des magistrats sont directement influencées par le pouvoir exécutif. Les magistrats du siège, par exemple, ne sont pas choisis par leurs pairs ou par un organe indépendant : ils sont nommés par décret du Président de la République sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Quant aux magistrats du parquet, ils sont placés sous l’autorité directe du garde des Sceaux, qui peut orienter la politique pénale à sa guise. Le CSM, censé garantir l’indépendance de la justice, se trouve lui-même composé en grande partie de membres désignés par des instances politiques, ce qui affaiblit sa capacité à jouer réellement son rôle protecteur. Par conséquent, le Président de la République a le pouvoir de nommer et de révoquer les magistrats, tandis que le garde des Sceaux, en tant que ministre sous l’autorité du Président, peut influer sur les poursuites pénales. Le CSM, quant à lui, dépend largement des rapports de force politiques, ce qui compromet l’impartialité des décisions de carrière et des promotions.
B. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : un organe sous influence politique
L’Ordonnance 58-1271 du 22 décembre 1958 a créé le Conseil supérieur de la magistrature dans l’intention affichée de garantir l’indépendance des magistrats. En pratique, toutefois, dès sa création, le CSM s’est retrouvé placé sous influence politique. Une partie de ses membres est en effet nommée directement par l’exécutif, ce qui limite leur autonomie réelle. De plus, les parlementaires eux-mêmes, généralement issus des partis ayant la majorité, participent à l’élection des magistrats, sapant la neutralité judiciaire. La réforme la plus récente, la loi organique 2023-1058, a même renforcé cette dépendance en introduisant un mode de scrutin à représentation proportionnelle pour la désignation des magistrats, favorisant les grands partis politiques au détriment de l’indépendance judiciaire. Ainsi, le pouvoir politique contrôle l’ensemble du processus de nomination et de carrière des magistrats, mettant en péril leur impartialité : tout magistrat doit en pratique sa carrière aux autorités politiques, ce qui crée une tentation constante d’orienter ses décisions selon les intérêts de la majorité en place.
C. Le parquet : une autorité judiciaire sous contrôle direct de l’exécutif
Contrairement aux magistrats du siège, qui exercent des fonctions juridictionnelles, les magistrats du parquet n’ont aucune indépendance véritable : ils sont placés sous l’autorité directe du garde des Sceaux, qui donne des instructions générales sur la politique pénale. De surcroît, le procureur de la République est nommé par décret du Président de la République sur proposition du ministre de la Justice. En conséquence, les procureurs ne peuvent engager ou décider des poursuites sans tenir compte des directives émanant de l’exécutif. Par exemple, de nombreuses affaires impliquant des membres du gouvernement ou leurs proches sont systématiquement classées sans suite, faute d’indépendance réelle du parquet. Cette dépendance totale aux intérêts du gouvernement en place viole le principe de séparation des pouvoirs et prive les citoyens de tout recours véritable.
D. Une dépendance judiciaire qui empêche toute réforme
En verrouillant le système judiciaire par des nominations relevant du seul exécutif, l’Ordonnance 58-1270 a créé une justice incapable de se réformer elle-même. Tout juge qui oserait critiquer ce système risque de voir sa carrière freinée, voire de ne pas être promu. À l’inverse, les magistrats nommés grâce à l’appui d’une majorité politique n’ont aucun intérêt à remettre en cause le cadre qui les maintient au pouvoir. Cette situation explique pourquoi aucune réforme sérieuse de l’indépendance de la justice n’a été menée depuis 1958. Même lorsque la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour manque d’indépendance judiciaire, ces décisions n’ont quasiment jamais eu de suite concrète. Un juge peut refuser de questionner l’Ordonnance 58-1270 en arguant qu’elle est en place depuis plus de soixante ans sans avoir été contestée efficacement. Résultat : la justice française reste structurellement dépendante du pouvoir exécutif, incapable de fonctionner de manière impartiale et de garantir un véritable État de droit.
E. Une justice sous tutelle, violant les principes fondamentaux du droit
En instaurant un système où la nomination des magistrats est contrôlée par l’exécutif et par des parlementaires issus de partis politiques, l’Ordonnance 58-1270 a privé la justice de toute indépendance. Le CSM, sous influence politique, n’est plus le garant de l’impartialité judiciaire : il ne peut s’opposer à des choix de carrière dictés par l’exécutif. Le parquet, placé sous le contrôle direct du ministère de la Justice, se contente d’appliquer des instructions qui reflètent les intérêts du pouvoir en place. De ce fait, toute affaire impliquant des décideurs politiques ou leurs proches finit le plus souvent par être étouffée. Cette subordination de la justice à l’exécutif viole les principes fondamentaux du droit, notamment ceux inscrits dans l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui impose l’indépendance de l’autorité judiciaire pour garantir les libertés essentielles. En plaçant le pouvoir judiciaire sous tutelle politique, l’Ordonnance 58-1270 a ainsi instauré une fraude institutionnelle de longue durée, mettant en péril l’équité des tribunaux et la confiance des citoyens dans le système judiciaire.
La trahison des citoyens par le référendum et les discours de Charles de Gaulle : un détournement de la volonté populaire
L’instauration de la Constitution de 1958 et des ordonnances qui ont suivi s’inscrit dans une véritable manipulation politique, qui a détourné la volonté du peuple français. Lors de la campagne référendaire de septembre 1958, Charles de Gaulle présentait ce texte comme une garantie de démocratie, de souveraineté nationale et de séparation des pouvoirs, promettant une justice pleinement indépendante. Dès les premiers jours qui ont suivi la promulgation, cette promesse a été trahie : l’Ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958, qui définissait le statut de la magistrature, plaçait les magistrats sous le contrôle exclusif du pouvoir exécutif et contredisait ouvertement la déclaration du 4 septembre 1958 selon laquelle « l’autorité judiciaire sera pleinement indépendante ». Les électeurs, lors du référendum du 28 septembre 1958, n’avaient jamais été informés que les institutions ainsi créées subordonnent la justice à l’exécutif, ni que l’article 92 donnerait la possibilité au gouvernement de prendre des ordonnances ayant force de loi sans aucun contre-pouvoir parlementaire. En réalité, ce référendum a servi de prétexte à une transformation autoritaire du régime : ce qui était présenté comme une refondation démocratique s’est révélé être une consolidation du pouvoir exécutif sur l’ensemble des institutions, y compris la justice.
Le référendum, loin d’être un véritable instrument de consultation populaire, a été utilisé comme un simple outil de légitimation. Les citoyens français ont été trompés sur la nature réelle des changements apportés par la Constitution. À aucun moment le texte soumis au vote n’indiquait que l’article 92 permettrait au gouvernement de prendre des ordonnances sans aucun contrôle parlementaire ni délai de ratification. Les électeurs ignoraient également que la Constitution ne serait jamais repromulguée après ses multiples modifications, laissant de nombreux articles flous et non opposables juridiquement. Tout le processus institutionnel mis en place à partir de 1958 s’est fait sans une véritable consultation du peuple, qui a été tenu à l’écart des décisions majeures. Le résultat a été un régime où la séparation des pouvoirs n’existe plus : la justice est directement contrôlée par l’exécutif, niant ainsi le principe fondamental de souveraineté populaire, pierre angulaire du droit constitutionnel français. Le passage en force des institutions a transformé la Ve République en un pouvoir centralisé et autoritaire, réduisant le rôle des citoyens à une simple validation électorale qui ne leur donnait aucun pouvoir réel de contrôle.
Les conséquences de cette trahison initiale sont encore perceptibles en 2025. La justice française se montre souvent incapable de juger les dérives du pouvoir exécutif, car les magistrats eux-mêmes ont été nommés et promus sous l’influence du même exécutif qu’ils sont censés contrôler. Il suffit de constater que de nombreuses plaintes déposées contre des membres du gouvernement ou contre le Président de la République sont systématiquement classées sans suite. Le Conseil constitutionnel, créé à sa suite sans procéder à un examen parlementaire, valide presque toujours les lois proposées par le gouvernement en place. Les juges, en majorité nommés grâce à l’appui des autorités politiques, n’osent pas s’opposer à leurs nominateurs. Cette dépendance structurelle rend quasiment impossible toute remise en cause des décisions prises par l’exécutif et maintient l’influence politique au plus haut niveau du système judiciaire.
Une violation des principes internationaux et constitutionnels
L’Ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 ne se contente pas de violer les principes fondamentaux de la Constitution française, elle transgresse également les engagements internationaux de la France. En plaçant la nomination des magistrats sous le contrôle direct du pouvoir politique, elle va à l’encontre des normes internationales qui imposent une séparation claire entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. L’indépendance judiciaire, garantie par l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, est au cœur de tout État de droit : là encore, elle a été piétinée. De plus, la Convention européenne des droits de l’Homme impose à la France d’assurer à toute personne un procès équitable devant un tribunal impartial ; en réalité, le parquet et les juridictions se trouvent aujourd’hui placés sous une tutelle politique qui compromet gravement l’impartialité des juges. Cette subordination du système judiciaire au pouvoir exécutif fragilise non seulement la confiance des citoyens dans les institutions, mais prive également la France de sa crédibilité sur la scène internationale quant à son respect des droits fondamentaux.
Violation des principes constitutionnels fondamentaux
La Constitution française, conçue pour garantir un État de droit et l’indépendance de la justice, est clairement contredite par l’ordonnance n° 58-1270 qui subordonne l’autorité judiciaire au pouvoir exécutif. En effet, l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle, énonce que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Or, en instituant une dépendance hiérarchique du parquet vis-à-vis du Garde des Sceaux, en confiant au Président de la République le pouvoir de nommer les magistrats du siège par décret, et en maintenant un Conseil supérieur de la magistrature (CSM) composé en partie de membres désignés par l’exécutif et par des parlementaires issus de partis politiques, l’ordonnance fragilise gravement cette séparation des pouvoirs. Le parquet, placé sous la tutelle directe du ministre de la Justice, ne peut exercer ses fonctions en toute impartialité, puisque les procureurs doivent se conformer aux orientations de l’exécutif. Parallèlement, la nomination des magistrats du siège par décret présidentiel politise directement le pouvoir judiciaire, sapant la neutralité indispensable à leur mission. Ajoutons que le CSM, qui devrait être l’organe garant de l’indépendance judiciaire, voit sa composition déterminée en large partie par des acteurs politiques, ce qui empêche toute autonomie réelle. Dans ces conditions, la justice française ne peut être considérée comme indépendante, rendant ainsi la Constitution de 1958 caduque au regard de l’article 16 de la DDHC.
De surcroît, l’article 64 de la Constitution de 1958 précise que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Or, les dispositions de l’ordonnance n° 58-1270 contredisent totalement cet engagement. D’une part, le parquet est entièrement subordonné au ministre de la Justice, qui peut influer sur les décisions et les orientations poursuivies, privant ainsi le procureur d’une véritable liberté d’action. D’autre part, les magistrats du siège, dont la carrière est décidée par décret présidentiel, se trouvent dans une situation où leur avancement dépend directement de l’exécutif, renforçant la tentation d’adapter leurs jugements aux attentes des autorités politiques. Enfin, le fait que certains membres du CSM soient élus par des parlementaires issus des partis majoritaires introduit une influence politique au sein même de l’institution censée protéger l’indépendance judiciaire. Résultat : la magistrature se trouve empêchée de fonctionner de manière autonome et impartiale, ce qui viole non seulement l’esprit mais aussi la lettre de l’article 64 de la Constitution. L’ordonnance n° 58-1270 rend ainsi impossible l’indépendance réelle de la justice française, en contradiction directe avec le texte constitutionnel lui-même.
Violation des engagements internationaux de la France
La France, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), est tenue de respecter des principes fondamentaux quant à l’indépendance de la justice et à la séparation des pouvoirs. Pourtant, l’ordonnance n° 58-1270 a exposé le pays à de multiples condamnations internationales, révélant des manquements graves à ses obligations.
L’article 6 de la CEDH garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue de manière équitable, publique et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. Or, plusieurs décisions de la Cour européenne ont souligné que le parquet français ne répond pas à ce critère d’indépendance. La relation hiérarchique entre le procureur et le ministère de la Justice empêche de facto le parquet d’être considéré comme une autorité judiciaire autonome, compromettant ainsi l’équité et l’impartialité des procédures pénales.
De même, l’article 13 de la CEDH prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus par la Convention ont été violés dispose d’un recours effectif devant une instance nationale, même si ces violations ont été commises par des fonctionnaires. Les arrêts Medvedyev c. France (2010) et Moulin c. France (2010) illustrent ce manquement. Dans l’affaire Medvedyev, la Cour européenne a jugé que l’absence d’indépendance du parquet français portait atteinte au droit des requérants à un tribunal impartial. Dans l’affaire Moulin, la CEDH a confirmé que les magistrats du parquet demeuraient sous l’influence directe du ministre de la Justice, privant ainsi les justiciables d’une garantie d’impartialité et d’un recours véritablement indépendant.
Ces décisions ont mis en lumière que, lorsqu’un justiciable souhaite contester une décision judiciaire impliquant la responsabilité de l’État, il ne dispose d’aucun mécanisme de recours impartial, car les juges chargés de statuer sur son affaire ont été nommés sous l’influence directe de l’exécutif. Cette situation place la France en contradiction manifeste avec ses engagements européens, puisque le pays est responsable d’une violation continue du droit à un procès équitable en maintenant un parquet dépendant du pouvoir politique.
Malgré ces condamnations, les gouvernements successifs se sont refusés à corriger l’ordonnance n° 58-1270. Les réformes récentes, notamment la loi organique n° 2023-1058, ont même renforcé le caractère dépendant du système judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif. En particulier, les magistrats du parquet restent placés sous l’autorité exclusive du Garde des Sceaux, tandis que les magistrats du siège sont toujours nommés selon des procédures électives où interviennent des parlementaires, assurant ainsi une influence politique sur la justice.
Par conséquent, la France persiste dans sa violation des normes européennes et compromet sa crédibilité au sein des instances internationales. En dépit de l’évidence des arrêts de la CEDH, le refus répété de mettre le système judiciaire en conformité avec les engagements internationaux met gravement en cause l’intégrité et la légitimité de la justice française.
Conclusion : illégitimité institutionnelle et exigence de remise à plat
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, qui établit le statut de la magistrature, s’inscrit dans un cadre juridique fondamentalement vicié, conséquence directe du « hold-up » constitutionnel opéré en 1958. Cette ordonnance méconnaît les principes essentiels du droit, notamment la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice, rendant ainsi contestables toutes les décisions judiciaires prises sous son autorité.
D’une part, la mise en place de la Ve République a été réalisée en violation de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui ne prévoyait qu’une simple révision de la Constitution et non un changement complet de régime. L’article 90 de la Constitution de 1946 a été ignoré, tandis que l’article 92 de la Constitution de 1958 a conféré au gouvernement un pouvoir absolu pour imposer des ordonnances sans aucun contrôle parlementaire. Ces manœuvres illustrent que la base juridique de la Ve République est, dès l’origine, dépourvue de légitimité démocratique et constitutionnelle.
D’autre part, l’ordonnance 58-1270 instaure une magistrature sous la férule directe de l’exécutif, en contradiction flagrante avec l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui exige une séparation stricte des pouvoirs. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), issu de l’ordonnance 58-1271, fonctionne sous influence politique, ses membres étant nommés par l’exécutif et des parlementaires, ce qui renforce la dépendance du pouvoir judiciaire. Le parquet, subordonné au garde des Sceaux, ne peut plus exercer ses fonctions en toute impartialité. Conséquence : la justice française devient structurellement inféodée aux intérêts du pouvoir exécutif, incapable de garantir un contrôle effectif des institutions.
La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’absence d’indépendance judiciaire, prouvant ainsi que cette situation constitue un déni manifeste d’État de droit. Les classements systématiques sans suite des plaintes contre des membres du gouvernement révèlent une justice qui ne juge plus l’exécutif, dès lors que ses magistrats doivent leur nomination aux autorités politiques qu’ils sont censés contrôler.
Au-delà du simple aspect juridique, cette ordonnance a permis l’instauration d’une dictature institutionnelle : le Parlement se réduit à une chambre d’enregistrement, la justice est politisée, et le pouvoir présidentiel devient absolu. Les référendums sont contournés ou ignorés, empêchant toute expression véritable de la volonté populaire. Le système judiciaire, soumis aux intérêts politiques et économiques, devient un instrument au service de l’exécutif plutôt que de la loi, ce qui confirme que la justice française est aujourd’hui structurellement corrompue.
En résumé, l’ordonnance 58-1270 est illégale depuis son origine : elle n’a jamais été ratifiée comme l’exigeait la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, elle viole la séparation des pouvoirs et contredit les engagements internationaux de la France. Le seul argument de son ancienneté ne peut qualifier de légitime un texte contraire aux principes constitutionnels fondamentaux. Un texte illégal peut être contesté à tout moment, et l’ordonnance n’a jamais disposé d’un fondement légal valable ; elle doit donc être annulée sans délai.
La Constitution de 1958 elle-même s’avère viciée dès sa promulgation : elle viole son propre préambule en ne garantissant ni la séparation des pouvoirs, ni la souveraineté populaire, et a permis l’instauration d’un pouvoir exécutif omnipotent, transformant la France en un régime autoritaire sous couvert de légalité. Ce coup d’État juridique orchestré par le général de Gaulle, puis renforcé par les gouvernements successifs, a durablement sapé la démocratie.
L’ordonnance 58-1270 est inconstitutionnelle et inapplicable, car elle repose sur une base juridique frauduleuse et institutionnalise une justice aux ordres du pouvoir exécutif, en violation des principes fondamentaux du droit national et international. L’indépendance judiciaire doit être restaurée conformément à la loi du 3 juin 1958 et placée sous le contrôle des citoyens et de la CISDHJ pour garantir enfin un État de droit authentique.

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