Les lois de finances
Les lois de finances : principes, LOLF et pratiques contestées
Sommaire
- Conformité à la LOLF de 2001
- Articles 1er et 34 de la LOLF
- Explication des lois de finances
- Principe du consentement à l’impôt selon le BOFIP
- Articles 13 & 14 de la DDHC
- Article 49-3 de la Constitution
- Loi spéciale 2024-1188 (20 déc. 2024)
- Promulgation des lois de finances après 49-3
- Analyse et observations de la CISDHJ
Conformité à la LOLF de 2001
La loi organique relative aux lois de finances (LOLF), promulguée le 1ᵉʳ août 2001, constitue la « constitution financière » de l’État en posant un cadre rigoureux pour l’élaboration, l’adoption et l’exécution des lois de finances. Plutôt que de se limiter à autoriser recettes et dépenses, elle impose une présentation du budget par missions et programmes, chacun assorti d’objectifs clairs et d’indicateurs de performance. Cette architecture rend plus compréhensible l’allocation des ressources publiques et facilite le suivi de l’efficacité des politiques menées.
En responsabilisant les gestionnaires autour de critères mesurables, la LOLF encourage une gestion plus efficiente : chaque euro dépensé doit pouvoir être justifié par un résultat attendu. Par ailleurs, grâce à la publication de rapports annuels de performance et à des auditions régulières devant les commissions parlementaires, elle renforce la transparence et le contrôle démocratique de l’action publique.
Pour ceux qui souhaitent approfondir, voir l’analyse détaillée des LOLF.
Articles 1er et 34 de la LOLF
Chaque année, l’article 1er des lois de finances affirme le principe du consentement à l’impôt : seul le Parlement peut autoriser la perception des recettes publiques. Dans sa forme générale, il se lit ainsi :
Article 1er
I. – La perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée pendant l’année **** conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.
II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :
1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année **** et des années suivantes ;
2° À l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre **** ;
3° À compter du lendemain de la publication de la présente loi pour les autres dispositions fiscales.
L’article 34, quant à lui, fixe le contenu minimal de toute loi de finances : l’autorisation de percevoir, pour l’exercice, l’ensemble des ressources de l’État et des impositions affectées à d’autres personnes morales ; les dispositions relatives aux différentes catégories de recettes ; les règles d’affectation de ces recettes entre missions, programmes et chapitres ; et la description, par chapitre et par article, du coût des services votés et des mesures nouvelles justifiant les crédits.
Ensemble, ces deux articles structurent chaque loi de finances comme un document complet, transparent et responsable, garantissant que tout prélèvement soit explicitement approuvé par le Parlement.
Explication des lois de finances
Les lois de finances constituent chaque année l’instrument législatif essentiel par lequel le Parlement donne son accord au Gouvernement pour percevoir les recettes de l’État et autoriser les dépenses publiques. Leur adoption préalable garantit le principe du consentement à l’impôt : sans cette loi, l’administration ne peut ni prélever une taxe existante ni créer une nouvelle imposition. Par cette autorisation annuelle, renforcée par la publication de rapports annuels de performance et le contrôle des commissions parlementaires, elles assurent la légitimité démocratique et la transparence de l’action budgétaire.
Au-delà de ce rôle juridique, les lois de finances jouent un rôle de pilotage de la gestion publique. Depuis la LOLF de 2001, elles sont structurées en missions, programmes et actions, chacun assorti d’objectifs précis et d’indicateurs chiffrés. Cette présentation vise la recherche d’« efficacité » — entendue comme l’économie des moyens pour atteindre les résultats attendus — et d’« efficience », c’est-à-dire la meilleure allocation possible des ressources rares. Les annexes de performance, désormais jointes aux projets de loi de règlement, obligent par ailleurs l’exécutif à rendre compte des résultats obtenus, ce qui renforce le contrôle du Parlement sur la mise en œuvre concrète des politiques publiques.
Enfin, les lois de finances participent à la rationalisation des choix publics. Elles doivent non seulement équilibrer recettes et dépenses, mais aussi traduire les orientations stratégiques de l’État en termes budgétaires clairs. En codifiant la périodicité annuelle de l’autorisation fiscale (article 1er) et en précisant les catégories de recettes et dépenses (article 34), elles fixent un cadre prévisible et sécurisé pour la politique économique, tout en préservant la faculté du Parlement de modifier ou d’abroger, chaque année, les mesures qu’il juge nécessaires à la bonne gouvernance des finances publiques.
Principe du consentement à l’impôt selon le BOFIP
Conformément au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts, aucun prélèvement fiscal ne peut être opéré sans consentement préalable des représentants du peuple, c’est-à-dire du Parlement1. Ce principe, issu de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, garantit que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Le BOFIP rappelle également que l’absence de cette autorisation annuelle engage la responsabilité pénale de l’administration et caractérise la concussion, c’est-à-dire l’illégalité et l’abus de prélèvement par un agent public. Seule la loi de finances, votée chaque année, confère à l’État et aux collectivités le pouvoir de lever l’ensemble des impôts de toutes natures, sous peine de nullité et de poursuites1.
En pratique, cet impératif se traduit par :
- L’exigence d’une loi expresse pour toute création ou majoration d’impôt ;
- L’interdiction de transactions ou remises hors cadre légal, sauf dispositions spécifiques du Livre des procédures fiscales ;
- Le respect strict du contenu et de la portée fixés par la loi, sans extension ni restriction par voie réglementaire ou administrative.
Pour consulter directement le BOI : BOI-CTX-DG-20-10-10 (25 juin 2014) .
- Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts (BOFIP-Impôts) — BOI-CTX-DG-20-10-10, 25 juin 2014. ↩
Articles 13 et 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
Article 13 : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
- Indispensable au financement public : la contribution est présentée comme nécessaire au fonctionnement de l’État (force publique, administration).
- Équité fiscale : elle doit être répartie « en raison des facultés » de chacun, assurant une progressivité adaptée aux capacités contributives.
Article 14 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »
- Consentement préalable : toute perception fiscale doit être approuvée par le Parlement ou, le cas échéant, par référendum.
- Transparence et contrôle démocratique : les citoyens peuvent suivre l’usage des fonds publics et vérifier l’exécution budgétaire.
- Détermination collective : la quotité, l’assiette, le mode de recouvrement et la durée des contributions sont fixés par la loi, garantissant l’égalité devant l’impôt.
En conjuguant l’article 13 (nécessité d’une contribution commune équitable) et l’article 14 (consentement et contrôle), la Déclaration de 1789 établit les fondements de la légitimité et de la justice fiscale : l’impôt est à la fois un outil indispensable au service public et soumis à l’approbation du peuple.
Article 49-3 de la Constitution et absence de publication consolidée
L’article 49, alinéa 3 de la Constitution, modifié par l’article 24 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, dispose :
« Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues au paragraphe précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Or, la version consolidée de la Constitution n’a jamais été republiée au Journal officiel électronique authentifié (JOEA) depuis cette modification : sur Légifrance, elle demeure signée du Président René Coty. Selon l’article 1 du Code civil et le principe d’opposabilité des lois, tout texte législatif ou réglementaire n’est applicable et opposable aux tiers qu’à compter de sa publication au JOEA. Faute de republication authentifiée, l’alinéa 3 ainsi modifié n’a pas acquis de force obligatoire.
En conséquence, l’usage de la procédure d’« engagement de responsabilité » sur les projets de loi de finances, bien que prévu par le texte constitutionnel modifié, reste juridiquement incertain tant que la version mise à jour n’est pas officiellement publiée.
Loi spéciale 2024-1188 (20 décembre 2024) : fondement incertain et validité contestée
En l’absence d’adoption dans les délais de la loi de finances initiale pour 2025, le Parlement a eu recours à la loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 afin d’assurer la continuité de la perception des impôts et le financement des charges de l’État et de la sécurité sociale. Ce dispositif d’urgence se présente cependant sous un jour juridique très flou.
D’une part, l’article 1 se contente d’« autoriser la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures (…) conformément aux lois et règlements » jusqu’à l’entrée en vigueur de la LF 2025, sans renvoyer à aucun texte précis. Cette formulation générique ne définit ni les règles applicables ni le cadre normatif de ces prélèvements, ce qui rend son application juridiquement contestable.
L’article 3 confie au ministre des Finances le pouvoir de contracter, pour 2025, tous les emprunts nécessaires à la trésorerie de l’État, en euros ou en devises. En soustrayant cette faculté au vote du Parlement, il méconnaît l’article 34 de la Constitution, qui réserve au législateur le choix des ressources et des charges de l’État, et met en péril la transparence et la responsabilité budgétaire.
De même, l’article 4 autorise les principaux organismes de sécurité sociale à recourir à des ressources non permanentes pour couvrir leurs besoins de trésorerie. Or, toute mesure relative aux finances sociales doit être encadrée par une loi de financement spécifique : ce recours non cadré menace l’équilibre financier des régimes et contrevient aux principes constitutionnels.
Enfin, la promulgation porte la mention « Fait à Mamoudzou » et « Par le Président de la République », sans qu’aucune signature manuscrite ou électronique authentifiable n’apparaisse dans le Journal officiel électronique authentifié. En droit français, l’acte législatif n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publication complète, y compris la signature de l’autorité compétente (art. 1 Code civil et art. 1367 Code civil). L’absence d’une authentification valide peut donc remettre en cause l’existence juridique même de la loi spéciale.
À la fois mal fondée sur le plan normatif et frappée de doutes quant à sa promulgation, la loi spéciale 2024-1188 révèle les tensions entre urgence budgétaire et respect des procédures démocratiques et constitutionnelles.
8. Promulgation des lois de finances après 49-3
Les lois de finances n° 2022-1726 du 30 décembre 2022, n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 et n° 2025-127 du 14 février 2025 ont été promulguées sans vote du Parlement, grâce au recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Cette procédure permet au Gouvernement de faire promulguer un projet de loi de finances, considéré comme adopté sauf motion de censure, sans que les députés ne puissent délibérer article par article.
Or, le Bulletin officiel (BOI-CTX-DG-20-10-10 du 25 juin 2014) rappelle qu’« aucun prélèvement fiscal ne peut être opéré sans être autorisé par une loi expresse votée par le Parlement » et que, sans ce vote, toute perception constitue une concussion, c’est-à-dire un prélèvement illégal et un abus de pouvoir. En se passant de l’approbation démocratique, ces lois de finances promulguées privent les citoyens de leur droit fondamental au consentement à l’impôt.
En métamorphosant le procédé législatif en simple formalité, le recours systématique au 49-3 sur les lois de finances révèle une dérive institutionnelle : la légalité budgétaire est contournée, la transparence sacrifiée et le débat parlementaire nié.
Plus encore, cette pratique viole l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, selon lequel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement… ». Privées du vote du Parlement, ces lois de finances ne pouvaient ni ne peuvent légalement prescrire la perception des impôts de toute nature.
Analyse et observations de la CISDHJ
La Confédération internationale des syndicats des droits de l’homme (CISDHJ) relève plusieurs défaillances majeures dans l’élaboration et l’application des lois de finances récentes :
- Légitimité parlementaire affaiblie Le recours systématique à l’article 49-3, sans débat ni vote explicite, prive le Parlement de son rôle essentiel et affaiblit la légitimité des lois de finances au regard de la LOLF et de la Constitution.
- Flou normatif L’article 1 de la loi spéciale 2024-1188 se contente d’une référence générique aux « lois et règlements », sans indiquer de texte précis, rendant son application juridiquement contestable.
- Atteinte au consentement à l’impôt En l’absence d’un vote parlementaire, les citoyens sont privés de leur droit fondamental au consentement (articles 13 et 14 de la DDHC) et toute perception devient susceptible de caractériser une concussion.
- Transparence compromise Les retards ou omissions de publication au JOEA, l’absence de signatures authentifiables et le manque de rapports de performance détaillés limitent la reddition de comptes et obscurcissent l’usage des deniers publics.
- Fraude d’État et « coups d’État juridiques » En contournant les procédures démocratiques et les principes constitutionnels, l’exécutif opère une véritable « escroquerie institutionnelle » : la promulgation de lois sans vote équivaut à un détournement de pouvoir, susceptible d’être qualifié de fraude d’État ou de « coup d’État juridique ».
La CISDHJ estime que c’est au peuple lui-même de reprendre sa souveraineté : lorsque les parlementaires, élus par la population, trahissent la confiance placée en eux, seul un contrôle direct des citoyens peut rétablir la légitimité démocratique. Le peuple ne peut plus se contenter d’un vote formel ; il doit exercer une vigilance constante sur l’usage de l’argent public.
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