Livre des procédures fiscales
Sommaire
- Origine et décret n° 81-859 du 15 septembre 1981
- Absence d’habilitation législative et vices de forme
- Invocation du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963
- La Loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 : Un fondement juridique illégitime
- Invocation abusive des décisions du Conseil constitutionnel de 1980
- Une violation de l’État de droit et une fraude législative
- Violation de l’article 34 de la Constitution
- Publication, authenticité et valeur opposable
- Modifications successives et fondements obsolètes
- Illégalité des SATD : fondement obsolète et contournement du domaine de la loi
- Décret n° 81-860 du 15 septembre 1981 : codification réglementaire illégitime
- Rétrospective des manœuvres législatives et réglementaires
- Un mécanisme annuel de contournement législatif
- Les conséquences humaines et sociales de la fraude du LPF
- Persistance de la fraude en 2025
- Conclusion : responsabilité parlementaire et escroquerie institutionnelle
Introduction
Le Livre des procédures fiscales (LPF) n’a pas été institué par une loi du Parlement, mais par une série d’actes réglementaires adoptés le 15 septembre 1981. Trois textes distincts, édictés le même jour, en constituent la base :
- le décret n° 81-859 portant « codification des textes législatifs concernant les procédures fiscales » (première partie : Législative) ;
- le décret n° 81-860 portant « codification des textes réglementaires concernant les procédures fiscales » (deuxième partie : Réglementaire) ;
- l’arrêté du 15 septembre 1981 portant « codification des arrêtés concernant les procédures fiscales » (troisième partie : Arrêtés), signé par Laurent Fabius, alors ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget.
Ces trois textes, pris conjointement par le Premier ministre Pierre Mauroy et son ministre délégué, ont fabriqué de toutes pièces un code autonome, doté d’une prétendue valeur législative, alors même qu’aucune habilitation expresse du Parlement n’avait été donnée. L’article 78 de la loi de finances n° 61-1396 du 21 décembre 1961, auquel les décrets se réfèrent, se bornait à autoriser une refonte technique du Code général des impôts, limitée à des fusions ou divisions d’articles, sans possibilité de créer un nouveau livre doté de règles contraignantes. L’arrêté de 1981 a lui-même procédé à la transposition de divers arrêtés antérieurs (1920, 1928, 1947, 1948, 1963, 1964, 1966, 1968) dans le LPF, donnant l’illusion d’un corpus complet, sans fondement constitutionnel ni ratification parlementaire.
Depuis 1982, date de son entrée en vigueur, le LPF sert de base à l’ensemble des procédures de contrôle, de recouvrement, de sanctions et de contentieux en matière fiscale. En réalité, il repose sur un montage exclusivement réglementaire, dépourvu de toute légitimité démocratique. Il s’agit donc non pas d’une « codification » neutre, mais d’une opération de spoliation institutionnelle : l’exécutif s’est arrogé le pouvoir de légiférer en matière d’impôt, en violation directe de l’article 34 de la Constitution et du principe fondamental du consentement à l’impôt garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Origine et décret n° 81-859 du 15 septembre 1981
Le Livre des procédures fiscales (LPF) a été institué par le décret n° 81-859 du 15 septembre 1981, pris en application de l’article 78 de la loi de finances n° 61-1396 du 21 décembre 1961. Publié au Journal officiel le même jour, ce décret avait pour objectif affiché de réorganiser et de simplifier la présentation du Code général des impôts (CGI).
Article 78 de la loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 :
« Le Gouvernement procédera par décrets en Conseil d’État à une refonte du code général des impôts en vue d’alléger et de simplifier la présentation de ce code. Cette refonte, qui pourra notamment comporter des fusions ou divisions d’articles, ne devra entraîner aucune modification des taux ni des règles de l’assiette et du recouvrement des impositions.
Le nouveau code ne pourra être publié qu’à l’expiration d’un délai de trois mois après sa communication aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
C’est dans ce cadre que le gouvernement a procédé à la création d’un volume distinct intitulé Livre des procédures fiscales, séparé du CGI et présenté comme une codification nouvelle. Le LPF a ainsi vu le jour en 1981, parallèlement au Code général des impôts, et a servi depuis lors de référence centrale pour toutes les procédures de contrôle, de recouvrement et de contentieux fiscaux.
Absence d’habilitation législative et vices de forme
Si l’article 78 de la loi n° 61-1396 de 1961 permettait une refonte technique du Code général des impôts, il ne donnait en aucun cas mandat au gouvernement pour créer un corpus autonome de procédures fiscales doté d’une prétendue valeur législative. En instituant le Livre des procédures fiscales par décret, l’exécutif a outrepassé ses attributions et s’est arrogé un pouvoir réservé au Parlement par l’article 34 de la Constitution.
Aucune habilitation expresse, aucun vote article par article, aucune ratification ultérieure par les Assemblées n’est venu valider cette opération. Le LPF n’a donc pas d’assise démocratique ni constitutionnelle. De plus, l’absence d’une publication consolidée et authentifiée au Journal officiel empêche les contribuables de vérifier le texte applicable, ce qui constitue une violation flagrante du principe de sécurité juridique et du droit à la transparence de la loi fiscale.
Invocation du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963
Pour tenter de justifier le décret n° 81-859, le gouvernement a invoqué le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, et plus précisément son article 21. Or, cet article se bornait à organiser la présentation devant l’assemblée générale du Conseil d’État des projets de lois, d’ordonnances et surtout des projets de décrets relevant de l’article 37 de la Constitution, c’est-à-dire du domaine strictement réglementaire. En aucun cas il ne permettait au Premier ministre de créer, par décret, une « partie législative » codifiant des textes fiscaux relevant de l’article 34 de la Constitution. L’exécutif a donc abusivement utilisé une disposition procédurale, conçue pour accélérer l’examen de simples textes réglementaires, afin de légitimer la production d’un corpus à portée législative. Cette référence, totalement dévoyée, illustre la fraude juridique commise : un décret pris en vertu de l’article 37 a servi à s’arroger le pouvoir de légiférer, compétence réservée exclusivement au Parlement.
La loi n° 61-1396 du 21 décembre 1961 : un fondement juridique illégitime
La loi de finances n° 61-1396 du 21 décembre 1961, invoquée comme support du décret n° 81-859 du 15 septembre 1981, repose sur des bases elles-mêmes irrégulières. Son article 78, présenté comme une autorisation de refonte du Code général des impôts, se fonde sur l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Or, cette ordonnance, promulguée par le gouvernement de Charles de Gaulle alors que René Coty était encore président, n’a jamais été soumise au vote du Parlement. Elle fut imposée par voie réglementaire, en violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, et n’a été abrogée qu’en 2005. Dès son adoption, elle était donc frappée d’irrégularité.
De plus, plusieurs dispositions de la loi de 1961 renvoient à des ordonnances elles aussi dépourvues de base démocratique. L’article 58 s’appuie sur l’ordonnance n° 45-1820 du 15 août 1945, adoptée par un régime d’exception sans légitimité constitutionnelle. L’article 71 modifie l’ordonnance n° 59-30 du 5 janvier 1959, jamais ratifiée par le Parlement et contraire à l’article 13 de la Constitution. Les articles 35 et 37 reprennent également les mécanismes budgétaires de l’ordonnance n° 59-2, elle-même inconstitutionnelle.
Ainsi, la loi n° 61-1396 de 1961 n’a pas constitué une véritable habilitation législative : elle s’appuie sur des textes d’exception dépourvus de ratification parlementaire et donc nuls juridiquement. En conséquence, l’article 78 de cette loi, utilisé pour justifier la création du Livre des procédures fiscales par le décret n° 81-859, repose sur un socle inconstitutionnel. Le LPF est donc vicié à la racine : non seulement il n’a jamais été adopté par le Parlement, mais il tire en outre sa prétendue légitimité d’une ordonnance illégale, en violation flagrante de l’article 34 de la Constitution et du principe du consentement à l’impôt.
Invocation abusive des décisions du Conseil constitutionnel de 1980
Le décret n° 81-859 du 15 septembre 1981 mentionne trois décisions du Conseil constitutionnel rendues en 1980 (14 mai, 24 octobre et 2 décembre) comme fondement implicite de son autorité. Pourtant, loin de valider une telle délégation, ces décisions rappellent avec force que « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature relèvent du domaine exclusif de la loi », conformément à l’article 34 de la Constitution. Autrement dit, elles réaffirment le principe que seul le Parlement peut légiférer en matière fiscale.
En se réclamant de ces arrêts, le gouvernement a dénaturé leur contenu et commis une véritable manipulation juridique. Loin de lui conférer un pouvoir normatif autonome, les décisions de 1980 interdisaient au contraire qu’un décret vienne créer ou modifier des règles fiscales. Le recours à ces références dans le préambule du décret de 1981 constitue donc une invocation abusive et trompeuse, destinée à donner l’apparence de la légalité à une opération manifestement contraire à la Constitution.
Une violation de l'État de droit et une fraude législative
L’État de droit repose sur le respect de la hiérarchie des normes et sur une claire séparation entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. En permettant à un simple décret de créer ou de modifier des dispositions qui relèvent exclusivement du domaine de la loi, le décret n° 81-859 du 15 septembre 1981 outrepasse les compétences qui incombent au Parlement. En insérant des règles à portée législative dans le Livre des procédures fiscales (LPF), ce texte manifeste un excès de pouvoir et décrédibilise le principe même selon lequel seule une loi votée par les représentants du peuple peut instituer des obligations fiscales. Par conséquent, le décret 81-859 est clairement anticonstitutionnel car il empiète sur les prérogatives réservées au législateur et porte atteinte à l’État de droit.
La loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui fonde la Cinquième République, énonce des principes fondamentaux tels que le respect de la séparation des pouvoirs et l’organisation d’un pouvoir législatif indépendant du pouvoir réglementaire. Or, en autorisant le gouvernement à créer par décret des mesures normalement réservées au Parlement, le décret du 15 septembre 1981 efface cette distinction et méconnaît l’esprit même de la loi constitutionnelle de 1958. En conférant à un acte réglementaire la capacité de définir des règles fiscales d’application générale, il viole le principe central selon lequel la loi doit être adoptée par le Parlement. En somme, le décret 81-859 contrevient directement aux fondements juridiques et institutionnels de la Cinquième République.
On parle de fraude législative lorsque l’on utilise une norme inférieure (ici un décret) pour contourner une norme supérieure (la loi ou la Constitution). Ce procédé constitue un abus de pouvoir visant à donner une apparence de légalité à un texte dépourvu de véritable fondement juridique. En prétendant s’appuyer sur l’article 78 de la loi de finances de 1961, alors que cet article ne prévoyait qu’une refonte interne du Code général des impôts et non la création d’un nouveau texte à valeur législative, le gouvernement a détourné la procédure parlementaire. En introduisant des dispositions législatives sous couvert de codification, le décret n° 81-859 confère au LPF une force normative qu’il n’aurait pu obtenir que par une loi votée. Cette manœuvre constitue une fraude législative manifeste : le gouvernement s’est comporté comme s’il disposait d’un pouvoir législatif, alors que seuls le Parlement et la procédure d’adoption des lois pouvaient l’autoriser à légiférer sur ces sujets.
Une telle usurpation de pouvoir n’est pas seulement contraire à la Constitution de 1958, mais elle viole également les principes démocratiques intangibles énoncés par la Déclaration des droits de 1793. Son article 20 proclame que « nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale » et que « tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions ». En confiant à un décret l’élaboration de règles fiscales contraignantes, le gouvernement a privé les citoyens de ce droit fondamental et transformé l’impôt en instrument de spoliation, au mépris de la souveraineté populaire.
Violation de l’article 34 de la Constitution
Même en admettant — à titre d’argument — la validité de la Constitution de 1958, son article 34 réserve expressément au Parlement la compétence exclusive pour fixer « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Or le LPF, en disposant par décret sur les procédures de mise en recouvrement, de saisies et de contrôles, empiète directement sur ce domaine législatif. La codification de ces règles par voie réglementaire constitue un excès manifeste de pouvoir et une violation de la hiérarchie des normes, contraire au principe de séparation des pouvoirs.
Mais au-delà de cette contradiction interne, il convient de rappeler que la Ve République elle-même repose sur un coup de force juridique de 1958, et qu’elle n’a aucune valeur constitutionnelle authentique. Seule la Déclaration de 1793, en son article 20, affirme la légitimité de l’impôt en le subordonnant à l’utilité générale et à la participation des citoyens à son établissement. Le LPF ne respecte ni la Constitution frauduleuse de 1958, ni le droit constitutionnel véritable issu de 1793.
Publication, authenticité et valeur opposable
Depuis la Révolution française, le principe est clair : une loi n’est opposable aux citoyens que si elle est publiée dans une version officielle et authentifiée. Or le LPF n’a jamais été édité en texte consolidé au Journal officiel. Les seules versions disponibles sont des éditions internes de la DGFIP ou des consultations en ligne sur le BOFiP, dépourvues de toute valeur normative. En privant les citoyens d’un accès garanti à la loi fiscale, l’État viole un principe fondamental de transparence hérité de 1790 et confirmé par l’article 20 de la Déclaration de 1793.
Modifications successives et fondements obsolètes
Le Livre des procédures fiscales n’est pas figé : il est modifié chaque année par une multitude de décrets d’incorporation, censés « actualiser » ses dispositions. Or, ces décrets interviennent dans des matières relevant du domaine de la loi, puisqu’ils portent notamment sur les délais de recours, les garanties du contribuable, les procédures de saisie et de contrôle, ou encore les conditions d’exercice du droit de communication. Une telle pratique contrevient directement au principe posé par la Déclaration de 1793 et, même dans le cadre de 1958, par l’article 34 de la Constitution, qui réserve exclusivement au législateur la fixation de l’assiette, du taux et des modalités de recouvrement des impositions.
Plus grave encore, ces décrets s’appuient sur un fondement totalement anachronique : l’article 11 de la loi n° 51-247 du 1er mars 1951, adoptée sous la IVe République. Cette disposition, conçue comme une mesure technique et transitoire de réorganisation, n’avait pas vocation à perdurer après le changement de Constitution. En continuant de s’en prévaloir après 1958, les gouvernements successifs ont utilisé un texte obsolète pour légitimer artificiellement des modifications à caractère législatif, en violation de la hiérarchie des normes et du principe de séparation des pouvoirs.
L’avis du Conseil d’État du 21 février 2021 illustre parfaitement cette fragilité : il admet que « les dispositions fiscales issues de lois dont l’incorporation dans le Code général des impôts a été réalisée par des décrets pris sur le fondement de l’habilitation issue de l’article 11 de la loi n° 51-247 du 1er mars 1951 ne peuvent être regardées comme ayant été abrogées par celles qui en reprennent la substance au sein de ce code ». En d’autres termes, le Conseil d’État reconnaît que l’édifice fiscal repose encore, en 2021, sur un mécanisme d’incorporation par décret datant de la IVe République, jamais validé par le peuple ni par un vote parlementaire régulier.
Cette situation confirme le caractère juridiquement précaire et illégal du LPF : loin d’être une codification neutre, il est le produit d’une succession d’actes réglementaires fondés sur des habilitations caduques, transformant ce qui devrait être une loi votée en une simple construction administrative imposée aux contribuables. La fraude est donc double : temporelle, par le recours à un texte d’avant 1958 devenu inapplicable, et structurelle, par l’empiètement permanent du pouvoir exécutif sur le domaine réservé à la loi.
Illégalité des Saisies Administratives à Tiers Détenteur (SATD) : fondement obsolète et contournement du domaine de la loi
L’article L. 262 du Livre des procédures fiscales, codifié en 1981 par décret, disposait que « les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d’impôts directs ou de taxes sur le chiffre d’affaires dont le recouvrement est garanti par le privilège du Trésor, sont tenus, sur la demande qui leur en est faite sous forme d’avis à tiers détenteur notifié par le comptable chargé du recouvrement, de verser, au lieu et place des redevables, les fonds qu’ils détiennent ou qu’ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables ». Cet « avis » constituait une mesure administrative non contraignante en elle-même, laissant au contribuable la possibilité de contester la créance ou de saisir le juge avant tout prélèvement effectif.
Avec le décret n° 2018-970, le gouvernement a opéré un basculement majeur en instaurant la « saisie administrative à tiers détenteur » (SATD). Cette dernière transforme un simple avis contestable en un acte unilatéral, exécutoire de plein droit, permettant à l’administration fiscale de prélever directement les fonds d’un contribuable auprès de son employeur, sa banque ou tout tiers, sans autorisation judiciaire préalable et sans débat parlementaire. En supprimant toute garantie procédurale, la SATD revient à priver le contribuable d’un recours effectif.
Or, selon l’article 34 de la Constitution de 1958, les « modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » relèvent du domaine exclusif de la loi. En l’absence d’un vote parlementaire adoptant expressément la SATD, l’instauration de ce mécanisme par simple décret constitue un excès de pouvoir manifeste et une violation de la hiérarchie des normes. Plus encore, le LPF lui-même étant né d’un décret irrégulier en 1981, la SATD repose sur une chaîne juridique doublement viciée.
Cette dérive viole également l’article 20 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, qui énonce : « Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions, d’en surveiller l’emploi, et de s’en faire rendre compte. » La SATD, en instaurant un prélèvement forcé unilatéral, supprime toute participation citoyenne au contrôle de l’impôt et institue une véritable spoliation administrative, contraire au droit naturel et au principe de souveraineté populaire.
Décret n° 81-860 du 15 septembre 1981 : une abrogation massive et illégitime
Le décret n° 81-860 du 15 septembre 1981, présenté comme une simple opération de « codification réglementaire », révèle en réalité une fraude législative d’ampleur. Sous couvert de réorganisation technique, il procède à l’abrogation de dizaines de lois, décrets-lois, ordonnances et décrets, allant de la période révolutionnaire (loi du 22 frimaire an VII, loi du 27 ventôse an IX) à la IVe République (ordonnances de 1945, lois budgétaires de 1946, décrets de 1948 et 1950), jusqu’aux années 1970. Ce décret, signé par le Premier ministre Pierre Mauroy et le ministre du budget Laurent Fabius, a donc substitué à la loi la volonté unilatérale de l’exécutif.
Un tel procédé constitue une violation flagrante de l’article 34 de la Constitution, qui réserve exclusivement au Parlement le soin de fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions. En abrogeant des lois par décret, le gouvernement a usurpé la fonction législative et effacé d’un trait de plume des textes votés par les Assemblées. Cette opération ne saurait être justifiée par l’article 37 de la Constitution, qui limite strictement le domaine réglementaire aux matières qui ne relèvent pas de la loi.
L’ampleur des abrogations opérées par ce décret prouve qu’il ne s’agissait pas d’une simple « mise en ordre » administrative, mais d’une véritable refonte normative illégale. L’exécutif a ainsi conféré au Livre des procédures fiscales (LPF) une valeur législative qu’il n’aurait pu obtenir que par un vote du Parlement. Le décret n° 81-860 incarne donc une fraude manifeste, transformant une opération de codification en un acte de spoliation juridique et fiscale du peuple français.
Rétrospective des manœuvres législatives et réglementaires
Depuis l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, une succession de détournements de procédure a permis de contourner la hiérarchie des normes et la séparation des pouvoirs. Cette ordonnance, adoptée sans validation parlementaire et en violation des règles constitutionnelles, a servi de socle à la loi de finances n° 61-1396 du 21 décembre 1961, elle-même juridiquement invalide. Dix ans plus tard, l’article 78 de cette loi a été invoqué pour permettre à l’exécutif de promulguer, le 15 septembre 1981, les décrets n° 81-859 et n° 81-860 instaurant le Livre des procédures fiscales (LPF), alors que seul le Parlement avait compétence pour édicter de telles dispositions.
Le LPF, créé par simple décret, a ensuite été modifié chaque année par une série de décrets d’incorporation adossés à des bases juridiques déjà caduques, notamment l’article 11 de la loi n° 51-247 du 1er mars 1951, texte de la IVe République devenu obsolète après l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958. En 2021, un avis du Conseil d’État a lui-même reconnu que certaines dispositions fiscales anciennes, incorporées par décret dans le LPF, n’avaient jamais été expressément abrogées. Elles sont donc restées en vigueur sans reconnaissance légale, confirmant ainsi la fragilité et l’illégalité structurelle de ce code.
Ce mécanisme a consisté à maintenir artificiellement en place des normes abrogées ou inapplicables, à imposer un régime fiscal incompatible avec les principes de la Ve République et, surtout, à priver les contribuables de toute sécurité juridique quant aux règles applicables. En bout de chaîne, ce tour de passe-passe législatif a permis à l’administration fiscale d’exiger le paiement d’impôts sur la seule base d’un LPF totalement illégal, en violation du principe du consentement à l’impôt (article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), de la garantie des droits (article 16 DDHC) et du droit à un procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.
Ce mécanisme frauduleux ne s’est pas arrêté en 1981 : il s’est au contraire institutionnalisé et répété chaque année, par le biais de décrets d’incorporation modifiant directement les parties législatives du LPF. Cette pratique illégale, fondée sur un texte obsolète de 1951, constitue un véritable système de contournement législatif permanent, que nous détaillons ci-après.
Un mécanisme annuel de contournement législatif
Depuis plus d’une décennie, le gouvernement publie chaque année des « décrets portant incorporation au Livre des procédures fiscales de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce livre ». Ces décrets, loin de se limiter à la partie réglementaire, interviennent directement dans la première partie dite « législative » du LPF, modifiant ses articles, son plan et ses intitulés. On peut citer, à titre d’exemple, le décret n° 2025-548 du 17 juin 2025, le décret n° 2024-497, le décret n° 2023-423, le décret n° 2022-783, le décret n° 2021-745, le décret n° 2020-898, le décret n° 2019-560, le décret n° 2018-501, le décret n° 2017-699, le décret n° 2016-776, le décret n° 2015-609, le décret n° 2014-550, ou encore le décret n° 2013-464.
Tous ces textes se réfèrent invariablement à l’article 11 de la loi n° 51-247 du 1er mars 1951, une loi de la IVe République aujourd’hui obsolète et inapplicable sous la Constitution de 1958. En se prévalant de cette base archaïque, le pouvoir exécutif a institué un mécanisme pérenne de contournement du Parlement, modifiant chaque année par décret des dispositions qui, selon l’article 34 de la Constitution, relèvent exclusivement de la loi.
Il s’agit donc d’une fraude institutionnelle récurrente : une falsification permanente de la hiérarchie des normes, qui donne l’apparence de la légalité à un code qui n’en a aucune, tout en soumettant les contribuables à des obligations fiscales dépourvues de fondement législatif réel.
Les conséquences humaines et sociales de la fraude du LPF
Le Livre des procédures fiscales, bien qu’entaché d’illégalité depuis son origine, a servi de fondement à des millions de contrôles fiscaux, redressements, saisies et sanctions prononcés au nom d’une légalité fictive. Derrière cette façade administrative, ce sont des vies humaines qui ont été brisées. Des milliers de familles ont été ruinées par des procédures abusives, des entreprises viables ont été détruites, des biens saisis, des patrimoines liquidés. Les effets psychologiques et sociaux sont considérables : nombreux sont les contribuables acculés au désespoir, certains allant jusqu’au suicide face à l’implacabilité d’un système qui ne leur laissait aucun recours réel.
Les petites entreprises et les artisans, particulièrement exposés aux contrôles, ont été les premières victimes de cette mécanique. Au lieu d’être accompagnés dans leurs difficultés, ils ont été sanctionnés au moyen d’un code vicié, leur imposant des obligations procédurales impossibles à anticiper. La présomption de culpabilité a remplacé la présomption d’innocence, et l’administration fiscale s’est arrogé le droit de vie ou de mort économique sur les citoyens. Chaque redressement, chaque SATD, chaque saisie fondée sur le LPF illégal constitue en réalité une spoliation institutionnalisée.
Cette situation révèle une dérive grave : au lieu d’être un instrument de justice fiscale, garantissant l’égalité devant l’impôt, le LPF est devenu l’arme principale d’une politique de coercition et de racket. Derrière le discours officiel de lutte contre la fraude, il s’agit d’un mécanisme de transfert de richesses organisé, qui a appauvri des générations entières de travailleurs indépendants, d’agriculteurs, de commerçants et de familles modestes. La destruction du tissu économique, l’accroissement du chômage, la perte de savoir-faire local et les drames humains sont la conséquence directe de cette fraude législative.
Ainsi, le LPF n’est pas seulement un texte illégal : il est le symbole d’un système de domination qui a spolié le peuple français, violé ses droits fondamentaux et semé le désespoir. En poursuivant des citoyens et des entreprises sur la base de règles inexistantes en droit, l’État a institutionnalisé la violence fiscale et trahi sa mission première : protéger et garantir le bonheur commun.
Persistance de la fraude en 2025
Plus de quarante ans après leur adoption, les décrets n° 81-859 et n° 81-860 du 15 septembre 1981 demeurent toujours en vigueur sur Légifrance. Or, ce ne sont pas ces décrets eux-mêmes qui subissent des modifications, mais le Livre des procédures fiscales (LPF) qu’ils ont illégalement institué. Chaque année, par le biais des lois de finances ou de décrets d’incorporation, l’administration fiscale modifie, complète ou remanie les articles du LPF. Cependant, toutes ces évolutions s’appuient sur un socle juridique nul dès l’origine, puisqu’aucune habilitation législative n’a jamais autorisé la création du LPF. Ainsi, depuis 1981 et jusqu’en 2025, l’État maintient artificiellement en vigueur un texte vicié, et continue de bâtir tout le contentieux fiscal français sur une base frauduleuse et inconstitutionnelle.
Conclusion : responsabilité parlementaire, escroquerie institutionnelle et rappel de 1793
Depuis 1981, l’application du Livre des procédures fiscales repose sur des textes adoptés hors de tout cadre législatif valide. Le Parlement, en n’ayant jamais sanctionné la régularisation du LPF, porte une responsabilité pleine et entière dans cette fraude organisée. En tolérant que l’exécutif crée par décret des règles qui auraient dû être votées en séance publique, les députés et sénateurs sont complices d’une escroquerie en bande organisée qui spolie chaque citoyen français.
Chaque acte d’imposition, chaque saisie et chaque contrôle fiscal reposent sur un LPF dépourvu de base légale, ce qui viole non seulement le principe de légalité, mais aussi les droits fondamentaux proclamés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, seule norme démocratique légitime. L’article 1 rappelle que « le but de la société est le bonheur commun » : or, le régime fiscal actuel engendre ruine et désespoir. L’article 2 consacre la sûreté et la propriété comme droits imprescriptibles, directement bafoués par les saisies arbitraires. L’article 4 précise que « la loi est l’expression libre et solennelle de la volonté générale » : aucune loi n’ayant institué le LPF, il s’agit d’une usurpation de la souveraineté. L’article 16 définit la propriété comme le droit de jouir du fruit de son travail, mais les SATD et contrôles abusifs y portent atteinte quotidiennement. L’article 19 interdit toute privation de propriété sans consentement et sans nécessité publique constatée par une loi, condition jamais remplie ici. Enfin, l’article 20 rappelle que nul impôt ne peut exister sans le concours et le contrôle du peuple, droit aujourd’hui confisqué.
L’oppression dénoncée par les articles 33 et 34 est manifeste : les citoyens, dépouillés de leurs biens et privés de recours effectifs, subissent une domination contraire à toute légalité. Conformément à l’article 35 de la Déclaration de 1793, « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Il ne s’agit donc plus seulement d’un débat juridique, mais d’une exigence politique et morale : mettre fin à une escroquerie institutionnelle systémique et restaurer la souveraineté populaire.
