Constitution de 1793 : la seule légitime
Une Constitution née du peuple et jamais abrogée
En 1793, pour la première et unique fois de l’histoire constitutionnelle française, le peuple souverain a adopté une Constitution par voie référendaire directe, sans intermédiaire, sans censure, sans condition de fortune. Cette Constitution de l’an II, approuvée par près de deux millions de citoyens, demeure aujourd’hui la seule norme juridique authentiquement fondée sur la volonté populaire. Jamais abrogée par le peuple, jamais remplacée par un texte voté dans les mêmes conditions, elle conserve sa légitimité et son opposabilité, en vertu des principes supérieurs de souveraineté, d’égalité, et de droit révolutionnaire. Face aux constitutions imposées par la force, la ruse ou la confiscation du pouvoir, elle représente le socle oublié, mais intact, de la démocratie réelle. Ce texte en rétablit la mémoire, la portée, et la validité.
Sommaire
- Une Constitution née du peuple souverain
- La souveraineté populaire comme principe fondateur
- L’illégalité de toute suspension sans référendum
- La ratification populaire et la promulgation du 10 août 1793
- Saint-Just et le décret du 10 octobre 1793 : une suspension sans valeur juridique
- La nullité des pouvoirs constitués non issus du peuple
- Des preuves légales irréfutables dans les Bulletins révolutionnaires
- Le droit à l’insurrection et à la résistance à l’oppression
- Les autres constitutions : illégitimes et inapplicables
- L’irrecevabilité de toutes les lois promulguées au nom d’un monarque
- Le décret du 21 septembre 1792 : une norme toujours en vigueur
- L’impossibilité de suspendre ou modifier la Constitution de 1793
- La falsification du décret du 18-19 vendémiaire an II
- La Constitution de l’an III : un coup d’État contre la souveraineté
- La permanence légale de la Constitution de 1793
- Conclusion : la seule norme juridique encore valable
Une Constitution née du peuple souverain
La Constitution du 24 juin 1793, également appelée Constitution montagnarde ou de l'an deuxième de la Republique, demeure à ce jour la seule constitution française ayant été véritablement adoptée par le peuple souverain à travers un processus référendaire direct. Promulguée à la suite d’un vote massif dans plus de 7 000 assemblées primaires, elle fut proclamée solennellement le 10 août 1793 à Paris, en présence des délégués de tous les cantons de France. Elle incarne l’expression la plus authentique de la souveraineté populaire jamais mise en œuvre dans l’histoire constitutionnelle française. Près de deux millions de citoyens l’ont approuvée, avec une participation estimée à 37 % des inscrits, ce qui constitue une légitimité sans équivalent à cette époque troublée. Elle marque une rupture radicale avec tous les régimes précédents fondés sur l'hérédité, le droit divin ou la souveraineté déléguée. En instituant le référendum populaire comme fondement exclusif de la légitimité constitutionnelle, elle consacre une norme supérieure à toute autorité de fait ou de tradition. Ce texte fondait officiellement le nouveau régime en son article premier : « La République française est une et indivisible. » Dès lors, la République était née juridiquement, et recevable de plein droit au regard des principes révolutionnaires.
La souveraineté populaire comme principe fondateur
Ce principe est immédiatement précisé dans les deux articles suivants. L’article 2 dispose : « Le peuple français est distribué, pour l'exercice de sa souveraineté, en Assemblées primaires de canton. » Il consacre ainsi une forme de démocratie directe, fondée sur une participation populaire active à l’élaboration de la loi et aux décisions fondamentales. L’article 3 précise que cette organisation souveraine ne se confond pas avec les structures administratives et judiciaires, en affirmant : « Il est distribué, pour l'administration et pour la justice, en départements, districts, municipalités. » La Constitution distingue donc clairement l’organisation de la souveraineté populaire, exercée par le peuple lui-même, de celle des services publics, confiés à des pouvoirs constitués.
L’illégalité de toute suspension sans référendum
Cette articulation entre souveraineté populaire et organisation des pouvoirs se prolonge dans le domaine judiciaire. La justice révolutionnaire fut encadrée par la loi fondamentale du 16-24 août 1790, qui conserve une valeur fondatrice. Cette loi abolit les privilèges judiciaires, instaure la séparation des pouvoirs, et garantit que les juges soient élus, indépendants, et rendus responsables devant le peuple. Elle proclame que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ». Elle complète ainsi la structure constitutionnelle de 1793 en assurant que la justice, comme l’administration, soit soumise au principe d’égalité, de publicité, et de contrôle populaire. Toute remise en cause ultérieure de ces principes, sans consultation du peuple souverain, viole non seulement la Constitution, mais aussi l’équilibre fondamental instauré par la Révolution.
La ratification populaire et la promulgation officielle
La Constitution du 24 juin 1793 fut adoptée par la Convention nationale à la suite du projet présenté le 10 juin. Conformément à l’article 114, elle fut soumise au vote populaire dans les assemblées primaires entre le 20 juin et le 2 août 1793. Le résultat fut favorable à une immense majorité, avec plus de 1,7 million de voix en faveur du texte. Bien qu’aucun décret formel de proclamation des résultats n’ait été retrouvé à ce jour dans les archives officielles, les historiens s’accordent à reconnaître que la ratification populaire fut acquise et entérinée par la Convention nationale au début du mois d’août 1793.
La Constitution fut ensuite publiée dans le Bulletin des lois, Tome XXXI, sous le titre « Acte constitutionnel, précédé de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », ce qui constitue un acte officiel de promulgation. Dès lors, elle acquiert force de loi sur l’ensemble du territoire et s’impose à tous les pouvoirs constitués. Aucun texte légal n’est venu, depuis cette publication, suspendre ni abroger la Constitution de 1793 selon les modalités prévues aux articles 115 à 119. Elle demeure donc en vigueur de jure, conformément aux principes de souveraineté populaire, de hiérarchie des normes et de continuité constitutionnelle.
Saint-Just, le décret du 10 octobre 1793 et la déclaration du 29 mai : une suspension sans valeur juridique
Le décret du 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793), présenté par Saint-Just au nom du Comité de salut public, proclame que « le gouvernement provisoire de la République sera révolutionnaire jusqu’à la paix ». Ce texte, invoqué par certains historiens pour justifier une suspension de la Constitution de 1793, ne comporte en réalité aucune disposition abrogeant ou suspendant l’Acte constitutionnel ratifié par référendum. Il s’agit d’un acte politique dépourvu de portée normative.
Les articles 115 à 119 de la Constitution de 1793 stipulent que toute modification ou suspension du texte doit être décidée par une Convention extraordinaire convoquée à cet effet, et ratifiée par le peuple. Aucune de ces formalités n’a été respectée. Le décret du 10 octobre 1793, adopté dans un contexte d’urgence militaire, ne constitue qu’une mesure administrative transitoire. Saint-Just, bien qu’influent, n’avait aucune légitimité pour remettre en cause une norme constitutionnelle opposable. En droit, la Constitution n’a jamais été suspendue, et demeure pleinement en vigueur.
Il convient également de mentionner la Déclaration des droits du 29 mai 1793, souvent confondue avec celle annexée à la Constitution de juin. Cette version, préparée par la majorité girondine, n’a jamais été ratifiée par le peuple ni promulguée avec valeur légale. Le décret du 18-19 vendémiaire an II, en déclarant cette version « nulle de plein droit » et en ordonnant le retrait de ses exemplaires, confirma qu’elle ne possédait aucune force normative. Seule la Déclaration du 24 juin 1793, ratifiée par référendum, peut se prévaloir de la force constitutionnelle.
La nullité des pouvoirs constitués non issus du peuple
Dans le cadre d’une suspension ou d’une suppression, il aurait fallu juridiquement que le peuple se prononce sur la destruction du système juridique en place, à savoir l’abolition du régime, comme pour le 21-22 septembre 1792. Le décret adopté à l’unanimité (Bulletin des lois, tome XXV, page 3) stipule clairement : « La royauté est abolie en France ». Or, un tel acte n’a jamais eu lieu s’agissant de la Constitution de 1793, qui n’a fait l’objet d’aucun référendum contraire ni d’aucun décret populaire d’abrogation. Par conséquent, toute prétendue suspension par la Convention ou par un organe constitué est inopposable au regard du droit public révolutionnaire. En vertu des principes intangibles de la Déclaration et de la Constitution de 1793, aucun changement constitutionnel ne peut être juridiquement valide sans consultation directe du peuple souverain. L’article 28 de la Constitution le proclame avec clarté : « Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » De même, l’article Le texte lui-même proclame la supériorité de la Déclaration affirme que : « La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une, indivisible, imprescriptible et inaliénable. »
Des preuves légales irréfutables dans les Bulletins révolutionnaires
Ce principe est renforcé par l’article 29 de la Déclaration des droits de 1793 : « La loi doit être l’expression de la volonté générale ; tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous. » Ces dispositions consacrent une vérité incontournable : aucun pouvoir, fût-il révolutionnaire, ne peut substituer sa volonté à celle du peuple souverain, ni s’arroger un droit de modification ou de suspension de l’ordre constitutionnel sans avoir été formellement investi à cet effet par la nation. Toute altération du droit constitutionnel sans l’expression explicite et référendaire de cette volonté est frappée de nullité absolue.
Le droit à l’insurrection et à la résistance à l’oppression
La conséquence juridique directe de ces articles est donc claire : aucun pouvoir constitué, y compris la Convention nationale elle-même, ne peut abolir, modifier ou suspendre la Constitution sans en référer au peuple par un acte formel, solennel et souverain. L’absence totale d’un tel acte constitue non seulement une rupture de légalité, mais une usurpation du pouvoir constituant, en violation flagrante de l’article 28 de la Constitution : « Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » La souveraineté ne se délègue pas, ne se transmet pas par héritage, et ne peut être confisquée sans trahir la volonté première du peuple. Il en découle que toute suppression ou modification de la Constitution de 1793 devait impérativement être soumise à un référendum populaire équivalent à celui du 24 juin, dans les mêmes conditions de légitimité. À défaut, aucune suspension ne peut produire d’effet juridique opposable.
Les autres constitutions : illégitimes et inapplicables
Les preuves documentaires issues des Bulletins annotés des lois confirment que la Constitution de 1793 a été votée par le peuple, promulguée légalement, et utilisée par la Convention pour fonder l’adoption de nombreux décrets. Aucun acte d’abrogation ne fut jamais adopté. La Constitution resta donc formellement en vigueur, même si elle fut progressivement contournée par un pouvoir législatif usurpateur. Toute tentative de modification constitutionnelle par ce pouvoir constitué, hors procédure référendaire, est juridiquement nulle. L’article 28 de la Constitution en témoigne : « Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » Le pouvoir constituant réside exclusivement dans le peuple. En l’absence de tout acte abrogatif dûment adopté selon les modalités référendaires prévues par la Constitution de 1793, celle-ci demeure en vigueur de jure au regard des principes de continuité constitutionnelle, de souveraineté populaire et de hiérarchie des normes révolutionnaires.
L’irrecevabilité de toutes les lois promulguées au nom d’un monarque
D’autres décrets fondateurs — comme ceux des 22 septembre 1792 (abolition de la royauté), 25 septembre 1792 (affirmation de l’unité républicaine) et 1er-2 juillet 1793 (criminalisation de la falsification de l’acte constitutionnel) — viennent confirmer la valeur légale impérative de la Constitution du 24 juin 1793. Le texte lui-même proclame la supériorité inaliénable du peuple. L’article 27 de la Déclaration des droits affirme avec force : « Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par les hommes libres. ». L’article 35 consacre explicitement le droit à l’insurrection : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Ces dispositions interdisent toute délégation durable du pouvoir ou toute confiscation de la souveraineté.
Le décret du 21 septembre 1792 : une norme toujours en vigueur
À l’inverse, la Constitution de 1791, rédigée sous le règne de Louis XVI, n’a jamais été soumise au vote du peuple et fut simplement « acceptée » par le roi, ce qui revient à une auto-ratification du pouvoir exécutif. Fondée sur un suffrage censitaire inégalitaire, elle intègre le roi au processus de promulgation des lois et tente d’équilibrer des pouvoirs en contradiction avec le principe même de souveraineté populaire. Abrogée de fait par l’insurrection du 10 août 1792 sans procédure légitime de révision, elle fut définitivement écartée par le décret du 21 septembre 1792 abolissant la royauté (Bulletin des lois, tome XXV, page 3). Dès lors, toute référence ultérieure à cette Constitution devient juridiquement irrecevable.
L’impossibilité de suspendre ou modifier la Constitution de 1793
Enfin, l’article 115 de la Constitution de 1793 précise que « les actes du pouvoir législatif ne peuvent être promulgués qu’au nom du peuple français. » Ainsi, toute promulgation de lois par un monarque, un empereur ou un consul, comme ce fut le cas à partir de 1804 avec Napoléon Bonaparte ou en 1816 sous la Restauration monarchique, est nulle de plein droit. Le Code civil de 1804 lui-même stipule à tort que « les lois seront exécutées dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation faite par le Premier Consul », sans que celui-ci ait reçu de mandat constituant du peuple. Ces usurpations, étrangères à tout référendum, violent les fondements impératifs de la souveraineté populaire. Toute norme promulguée en dehors du peuple est donc illégitime et inapplicable. Cela vaut pour toutes les constitutions post-napoléoniennes, y compris celles de 1814, 1830, 1848, 1852, 1875, 1946 et 1958, qui furent élaborées par des pouvoirs en place, sans consultation réelle du peuple souverain. Le suffrage universel, lorsqu’il fut invoqué, ne servit qu’à valider des décisions déjà prises, dans des conditions de propagande ou de coercition incompatibles avec une expression libre et éclairée.
La falsification du décret du 18-19 vendémiaire an II
Ce principe fondamental trouve une confirmation antérieure et explicite dans le décret du 21 septembre 1792, par lequel la Convention nationale déclara : « 1° Qu’il ne peut y avoir de Constitution que celle qui est acceptée par le Peuple ; 2° Que les personnes et les propriétés sont sous la sauvegarde de la Nation. » Ce décret, toujours en vigueur, établit sans équivoque que toute légitimité constitutionnelle repose sur l’acceptation populaire. Il constitue un fondement normatif antérieur à la Constitution de 1793, consolidant l’idée que le peuple est le seul pouvoir constituant, et que toute charte fondamentale imposée sans cette acceptation est frappée de nullité.
La Constitution de l’an III : un coup d’État contre la souveraineté
C’est pourquoi l’article 122 est sans équivoque : « La Constitution ne peut être suspendue ni en tout ni en partie. » Ce principe absolu interdit à tout pouvoir constitué, y compris la Convention nationale elle-même, de s’arroger le droit de suspendre ou de retarder l’application du texte voté par le peuple. Seul un référendum populaire, équivalent à celui du 24 juin 1793, pourrait juridiquement fonder une modification ou une abrogation. Toute tentative d’y déroger sans consultation populaire formelle, telle que définie par les articles 115 et 28 de la Constitution, constitue une violation flagrante du droit public révolutionnaire. Le peuple, en tant que seul titulaire de la souveraineté, demeure seul habilité à décider du maintien, de la révision ou de l’abrogation d’un tel acte fondamental. Dès lors, l’invocation d’une autorité prétendument constituée pour suspendre ou modifier la Constitution en dehors de cette voie référendaire ne saurait produire le moindre effet souverain constitue un acte de forfaiture politique et juridique.
La permanence légale de la Constitution de 1793
Contrairement à une croyance doctrinale entretenue par certains juristes contemporains, le décret du 18-19 vendémiaire an II (9-10 octobre 1793), souvent invoqué comme fondement d’une prétendue suspension de la Constitution, ne concerne en réalité que la version antérieure et provisoire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 29 mai 1793. Il n’abroge ni ne suspend en aucune manière la Constitution du 24 juin 1793, qui demeure pleinement en vigueur. Cette version de mai, élaborée dans l’urgence révolutionnaire, n’avait aucune valeur juridique, car elle n’a jamais été soumise à l’approbation populaire, ni annexée à un texte constitutionnel en vigueur. Elle ne constituait qu’un projet provisoire et non promulgué. Le décret, tel qu’il figure au Bulletin des lois (tome XXXV, page 161), ordonne explicitement le retrait de tous les exemplaires envoyés avant la promulgation de la version définitive, et précise que cette version de mai est « nulle de plein droit ». Ce rappel renforce la valeur normative exclusive de la Déclaration annexée à la Constitution du 24 juin 1793, seule ayant été ratifiée par référendum, et seule opposable juridiquement. Aucune disposition du décret n’évoque la suspension de l’acte constitutionnel, ni ne peut fonder juridiquement une telle mesure. Toute lecture inverse procède d’une falsification historique. La supériorité juridique de cette Déclaration sur celle de 1789 est d’autant plus marquée qu’elle fut enrichie d’articles fondamentaux sur l’égalité, le droit au travail, à l’instruction, à la résistance à l’oppression et à l’insurrection, et protégée par le décret du 1er-2 juillet 1793 instituant la peine de mort contre toute falsification de l’acte constitutionnel. Ce droit n’est pas une faculté marginale : il constitue le dernier rempart juridique contre la tyrannie. En affirmant que l’insurrection est un devoir, la Constitution de 1793 établit une norme supérieure de vigilance civique, fondée sur la responsabilité politique directe des citoyens face aux abus de pouvoir. Ce corpus constitutionnel, voté et défendu par le peuple, demeure en vigueur en l’absence d’abrogation par voie référendaire.
Conclusion : la seule norme juridique encore valable
S’agissant de la prétendue Constitution qui aurait remplacé celle du 24 juin 1793, il convient d’en examiner rigoureusement l’origine et la légitimité. La Constitution de l’an III, promulguée le 22 août 1795 (5 fructidor an III) par la Convention thermidorienne, est née d’un véritable coup d’État. Après avoir renversé Robespierre et les défenseurs du pouvoir populaire, cette assemblée a entrepris de rédiger un nouveau texte constitutionnel sans en référer préalablement au peuple souverain. Or, selon les principes intangibles du droit constitutionnel issus de la Révolution, aucun pouvoir constitué ne peut se substituer au pouvoir constituant, ni adopter une constitution sans une consultation préalable du peuple.
Le texte de l’an III n’a jamais été soumis à un véritable référendum. Ce que la Convention thermidorienne a organisé ne relève nullement d’un processus démocratique sincère, mais d’une mise en scène électorale profondément biaisée. Par les décrets des 5 et 13 fructidor an III (22 et 30 août 1795), dits « décrets des deux tiers », elle a d’abord rétabli le suffrage censitaire, calqué sur celui de 1791 sous Louis XVI, excluant une large partie du peuple de la participation. Elle a ensuite imposé que deux tiers des sièges de la future législature soient réservés aux membres de l’assemblée sortante, privant le peuple de toute capacité réelle de renouvellement du pouvoir. Ce mécanisme constituait une négation manifeste du droit d’expression populaire, faussant la nature même du vote. Il fut largement dénoncé, et provoqua une insurrection populaire à Paris.
Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), des citoyens en armes se dirigèrent vers la Convention pour dénoncer la fraude institutionnelle. En réponse, la Convention fit appel à l’armée. Le général Napoléon Bonaparte, chargé de l’artillerie, mitrailla la foule, dispersant les insurgés dans le sang. Ce massacre marque l’instauration d’un régime fondé sur la répression militaire et la négation de la souveraineté populaire. Dès lors, la Constitution de l’an III, imposée par la force et dépourvue de toute légitimité référendaire, est frappée de nullité absolue. En droit constitutionnel, une norme fondamentale ne peut dériver que d’un acte volontaire, libre et direct du corps souverain. Or, la Constitution de 1795 est née d’un processus entaché de violences, d’exclusion sociale, de conditionnement politique et de fraudes institutionnelles. Elle ne remplit donc aucune des conditions exigées pour produire des effets juridiques valides.
Ainsi, contrairement à la Constitution de 1793, adoptée démocratiquement par les assemblées primaires, le texte de 1795 n’a jamais reçu l’onction du peuple souverain. Il constitue un acte unilatéral de confiscation du pouvoir, organisé par une assemblée illégitime. À ce titre, il ne peut produire aucun effet juridique valide et ne saurait en aucun cas servir de base à un changement régulier de régime. Ce détournement du pouvoir constituant a ouvert une ère de légalité illusoire fondée sur des textes inopposables, des institutions illégitimes, et une souveraineté confisquée.
Il convient dès lors de constater que le discours universitaire majoritaire, fondé sur des interprétations erronées, occulte volontairement la permanence légale de la Constitution de 1793. Elle reste aujourd’hui, en droit comme en fait, la seule norme suprême issue directement du peuple souverain par voie référendaire, et jamais abrogée par lui. Dans le contexte actuel de crise démocratique, d’usurpation des pouvoirs et de perte de légitimité des institutions, cette Constitution de 1793 représente un socle indépassable pour restaurer l’État de droit. Elle offre un cadre juridique cohérent, égalitaire et participatif, capable de redonner au peuple la maîtrise de son destin. Sa redécouverte constitue une urgence historique.
En conclusion, toutes les constitutions françaises postérieures à celle du 24 juin 1793 — qu’il s’agisse de celles du Directoire, du Consulat, de l’Empire, des Républiques successives ou des monarchies constitutionnelles — sont frappées de nullité absolue. La plupart furent imposées sans consultation populaire sincère, à l’issue de coups d’État, de plébiscites tronqués ou de processus législatifs initiés par des assemblées illégitimes. Elles reposent toutes sur une même rupture du droit fondamental : l’usurpation du pouvoir constituant, qui n’appartient qu’au peuple et ne peut être ni délégué, ni confisqué.
À l’inverse, la Constitution de 1793 demeure la seule norme juridique authentique, adoptée selon les principes d’universalité, d’égalité et de souveraineté directe. Elle fut ratifiée à l’unanimité par des assemblées primaires issues du suffrage universel masculin, sans restriction censitaire, et jamais abrogée par un acte souverain du peuple. Aucune constitution ultérieure n’a satisfait à ces exigences fondamentales. Toute légalité constitutionnelle fondée sur ces textes successifs s’avère dès lors fictive, sans fondement légitime, et dénuée d’opposabilité.
Le rétablissement du droit ne passe donc ni par des réformes technocratiques, ni par une alternance illusoire, mais par la reconnaissance de la rupture originelle et la restauration pleine et entière de la souveraineté populaire proclamée en 1793. Il appartient au peuple, et à lui seul, de se réapproprier son droit, d’exiger le respect de la continuité constitutionnelle brisée par la force, et de rappeler que toute autorité qui ne procède pas directement de sa volonté expresse est nulle et non avenue.
La Constitution du 24 juin 1793 reste à ce jour un recours vivant, légitime et supérieur, garant des droits inaliénables de la nation et des citoyens, fondée sur la liberté, l’égalité, la justice, et la participation directe du peuple à l’élaboration de la loi.
Dans cette perspective, l’article 35 de la Déclaration des droits de 1793, toujours en vigueur faute d’abrogation légitime, s’impose comme un fondement juridique impérieux du droit de résistance à l’oppression. Il ne s’agit pas d’un simple vestige historique, mais d’un droit opposable, normatif et intemporel. Chaque citoyen, chaque commune, chaque portion du peuple est fondée, en 2025 comme en 1793, à invoquer cet article pour s’opposer à un gouvernement illégitime, violant les droits fondamentaux ou usurpant la souveraineté nationale. L’insurrection, dans ce cadre, ne relève pas de la violence arbitraire, mais d’un acte de légalité suprême, justifié par la rupture de la chaîne constitutionnelle. L’appel à l’article 35 ne vise pas à renverser l’ordre, mais à le restaurer.
Ce droit à l’insurrection, reconnu par l’article 35, trouve son prolongement dans l’article 27 de la Déclaration des droits de 1793, qui affirme sans détour : « Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par les hommes libres. » Cette disposition, aussi radicale que symbolique, rappelle que la souveraineté populaire est non seulement inaliénable, mais inviolable, et que toute usurpation doit être immédiatement combattue par le peuple lui-même, sans médiation ni délégation. Il ne s’agit pas d’un appel à la violence, mais d’un principe de légitime défense constitutionnelle face à l’arbitraire et à la tyrannie.
Il revient désormais au peuple français de revendiquer ce droit, de faire valoir la norme souveraine de 1793, et de rappeler solennellement que la légitimité ne réside ni dans les constitutions écrites par les gouvernants, ni dans les institutions consolidées par la force, mais uniquement dans l’expression libre, directe et éclairée de la volonté populaire.
Une succession de coups d’État constitutionnels
Depuis 1791, l’histoire constitutionnelle française est jalonnée de ruptures illégales, de régimes imposés sans consentement populaire, et de manipulations institutionnelles opérées par le haut. À l’exception de la Constitution du 24 juin 1793, issue d’un véritable suffrage universel direct, toutes les constitutions postérieures furent le fruit de coups d’État politiques, militaires ou législatifs. Qu’il s’agisse de la monarchie constitutionnelle de 1791, des constitutions imposées par Napoléon, des restaurations monarchiques, ou encore des républiques installées par plébiscite ou manipulation législative, toutes ont été imposées sans respect de la souveraineté populaire.
Année | Nom de la Constitution | Forme de gouvernement | Mode d'adoption | Nature du changement | Légitimité |
---|---|---|---|---|---|
1791 | Constitution de 1791 | Monarchie constitutionnelle | Vote par l'Assemblée constituante | Rupture avec l’absolutisme | Illégitime : pas de référendum populaire |
1793 | Constitution de l’an II (1793) | République démocratique | Référendum populaire (1,8 M de OUI) | République populaire, souveraineté directe | Légitime : référendum universel masculin |
1795 | Constitution de l’an III (1795) | Directoire | Vote par la Convention, plébiscite restreint | Contre-révolution contre 1793 | Illégitime : contraire à 1793 |
1799 | Constitution de l’an VIII (1799) | Consulat (Bonaparte) | Coup d’État du 18 Brumaire, plébiscite organisé | Concentration du pouvoir (Bonaparte) | Illégitime : usurpation militaire |
1804 | Constitution de l’an XII (1804) | Empire (Napoléon Ier) | Plébiscite | Transformation du Consulat en Empire | Illégitime : régime personnel |
1814 | Charte constitutionnelle de 1814 | Monarchie restaurée (Louis XVIII) | Octroi par le roi, sans référendum | Restauration monarchique post-napoléonienne | Illégitime : sans consentement populaire |
1830 | Charte révisée de 1830 | Monarchie de Juillet (Louis-Philippe) | Révision de la Charte par ordonnance | Révision libérale mais monarchique | Illégitime : absence de souveraineté populaire |
1848 | Constitution de 1848 | Deuxième République | Élection d'une Assemblée constituante | Retour au suffrage universel | Relativement légitime : élu par le peuple |
1852 | Constitution de 1852 | Second Empire (Napoléon III) | Coup d’État du 2 décembre, plébiscite organisé | Consolidation autoritaire du pouvoir impérial | Illégitime : coup d’État constitutionnel |
1875 | Lois constitutionnelles de 1875 | Troisième République | Adoption parlementaire sans référendum | Stabilisation post-Commune | Illégitime : élite parlementaire sans peuple |
1946 | Constitution de 1946 | Quatrième République | Auto-ratifiée par le GPRF, référendum tronqué | Usurpation du pouvoir constituant par le GPRF | Illégitime : Coup d'Etat de De Gaulle |
1958 | Constitution de 1958 | Cinquième République | Loi d’habilitation du 3 juin 1958, projet imposé par le gouvernement, référendum illégal | Violation de l’article 90 de la Constitution de 1946 | Illégitime : coup d’Etat de De Gaulle |