CAPA

Le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA)

un diplôme sans existence légale, né d’un régime de fait et perpétué par la fraude normative

Quand la République exige un diplôme qui n’existe pas

Sous l’apparence d’un simple diplôme professionnel, le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) cache l’un des exemples les plus révélateurs de la dérive juridique de l’État français. Derrière la façade d’un système ordonné, ce certificat repose sur une succession de textes illégitimes, adoptés par des régimes de fait et jamais rétablis légalement par le pouvoir souverain du peuple.

Ce mémoire, rédigé par le Syndicat des Droits de l’Homme pour la Justice (SDHJ) et la Confédération Internationale des Syndicats des Droits de l’Homme pour la Justice (CISDHJ), s’inscrit dans la continuité des travaux de recherche visant à démontrer l’illégalité structurelle du droit français depuis 1799. Il établit, sources à l’appui, que le CAPA — exigé pour accéder à la profession d’avocat — n’a jamais eu d’existence légale. Né d’un décret du régime de Vichy, déclaré nul en 1954, puis perpétué par une chaîne de décrets sans base législative, il illustre la falsification progressive de la légalité républicaine au profit d’un pouvoir administratif détaché du peuple souverain.

Ce document n’est pas une simple analyse technique : il est un acte de transparence et de vérité. Car un État de droit ne peut exiger de ses citoyens le respect de lois, de diplômes ou d’institutions qui n’ont jamais été légalement établis.

Introduction

Le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) : un diplôme sans existence légale, né d’un régime de fait et perpétué par la fraude normative.

L’histoire du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat met en lumière la dérive structurelle du droit français moderne, où un diplôme imposé par la loi n’a en réalité jamais été valablement créé. Ce certificat, dont dépend l’accès à la profession d’avocat, est né d’un régime illégal, abrogé ensuite par la République, puis jamais rétabli. Derrière la continuité apparente de la formation juridique se dissimule une rupture constitutionnelle profonde : depuis plus de soixante-dix ans, la profession d’avocat repose sur une fiction normative, sans acte de fondation légitime.

La rupture de 1793 et la perte de la souveraineté populaire

Pour comprendre cette illégalité, il faut remonter à la source. La Constitution du 24 juin 1793, adoptée par la Convention nationale et ratifiée par référendum populaire, est la seule Constitution française directement issue du suffrage universel. Promulguée le 10 août 1793, elle institue la souveraineté absolue du peuple et le droit sacré à l’insurrection lorsque le gouvernement viole ses droits. Aucune loi n’a jamais suspendu ni abrogé ce texte. Pourtant, à partir du 9 thermidor an II, une minorité politique renversa le gouvernement révolutionnaire et mit la Constitution « en sommeil », invoquant les circonstances de guerre pour en différer l’application. Cette prétendue suspension n’a jamais été prononcée par aucun acte législatif : elle n’existe pas en droit. Ce fut un coup d’État politique dissimulé, une prise de pouvoir de fait contre la légitimité du peuple souverain.

De cette rupture naît la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), imposée par la Convention thermidorienne pour créer le Directoire. Ce texte n’a pas été soumis au peuple et repose sur un suffrage censitaire. Il efface la démocratie directe au profit d’un pouvoir représentatif contrôlé par les propriétaires. Le Directoire, déjà illégitime en soi, marque la première négation explicite de la Constitution de 1793.

La loi du 22 ventôse an XII : une base illégitime

Quatre ans plus tard, le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), Bonaparte renverse le Directoire et s’empare du pouvoir. Officiellement, il prétend rétablir l’ordre républicain ; en réalité, il fonde un régime personnel qui abolit toute souveraineté populaire. Le coup d’État du 18 brumaire ne restaure pas la légalité, il la viole doublement : d’une part en renversant un régime déjà dépourvu de légitimité, d’autre part en ignorant délibérément la Constitution du 24 juin 1793, seule norme souveraine en vigueur. Bonaparte ne rétablit pas la République du peuple, il la confisque. Le Consulat puis l’Empire naissent ainsi d’un pouvoir de fait, et non de droit. Toutes les lois édictées sous son autorité, y compris celles relatives à la formation juridique, procèdent d’un fondement nul. Elles ne sont pas l’expression de la volonté générale, mais l’imposition d’un pouvoir militaire.

C’est dans ce contexte que fut adoptée la loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804), relative aux écoles de droit. Présentée comme une loi de la République, elle fut en réalité promulguée « au nom du peuple français, Bonaparte, Premier Consul », sans aucune consultation populaire. Elle se rattache directement au coup d’État de 1799 et s’inscrit dans la structure autoritaire du Consulat. Son article XXIV dispose : « À compter de la même époque, nul ne pourra exercer les fonctions d’avocat près les tribunaux, et d’avoué près le tribunal de cassation, sans avoir représenté au commissaire du Gouvernement, et fait enregistrer, sur ses conclusions, son diplôme de licencié, ou des lettres de licence obtenues dans les universités, comme il est dit en l’article précédent. » Ce texte ne crée aucun certificat d’aptitude. Il se borne à exiger un diplôme universitaire — la licence en droit — comme condition d’exercice. La seule mention d’un “certificat” dans la loi de ventôse concerne un “certificat de capacité” délivré pour les cours de procédure civile et criminelle, mais sans rapport avec la profession d’avocat. Le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat n’existait donc pas en 1804 : il n’apparaîtra qu’un siècle et demi plus tard, sous le régime de Vichy.

Le régime de Vichy et la fausse création du CAPA

Le 26 juin 1941, le maréchal Pétain promulgue la loi n°2691 instituant le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, prétendant modifier l’article 24 de la loi du 22 ventôse an XII. Mais le régime de Vichy n’était pas la République : il résultait de la capitulation militaire et de l’abrogation illégale des lois constitutionnelles de 1875. Son chef, autoproclamé “chef de l’État français”, détenait un pouvoir de fait, non de droit. Ses actes n’ont jamais eu de valeur légale au regard du droit républicain. En conséquence, la loi de 1941 créant le CAPA est juridiquement nulle ab initio.

La loi du 8 avril 1954 : une nullité confirmée mais réinsérée

Après la Libération, la République rétablie constata cette nullité. La loi n°54-390 du 8 avril 1954 déclara expressément nuls les actes dits “lois” n°2525 et n°2691 du 26 juin 1941. L’article premier dispose : « Est expressément constatée la nullité de l’acte dit loi n°2691 du 26 juin 1941 instituant le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. » Le législateur reconnaissait ainsi que le CAPA n’avait jamais eu de base légale. Pourtant, dans une contradiction manifeste, la même loi modifia l’article 24 de la loi du 22 ventôse an XII pour y réintroduire la mention d’un “certificat d’aptitude”. Autrement dit, elle réinséra dans un texte déjà illégitime une institution déclarée nulle.

Cette incohérence transforma le CAPA en une créature juridique fantôme : mentionné dans la loi, mais jamais institué par elle. Entre 1954 et 1971, plusieurs décrets tentèrent d’en organiser les examens, mais sans loi créatrice pour en fonder l’existence. La hiérarchie des normes fut ainsi inversée : une obligation légale reposait sur un diplôme purement réglementaire, ce qui viole l’article 34 de la Constitution, selon lequel la loi fixe seule les garanties fondamentales accordées aux professions.

La réforme de 1971 et l’illusion légale du CAPA

La loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, adoptée sous la Cinquième République, prétendit réformer les professions judiciaires. Son article 11 exige que nul ne puisse accéder à la profession d’avocat sans être titulaire du CAPA. Mais cette loi ne crée rien : elle reprend un nom dépourvu d’acte fondateur. L’article 76 aggrave la confusion en abrogeant expressément l’article 24 et les articles 29 à 38 de la loi du 22 ventôse an XII, ainsi que les articles 2 et 4 de la loi du 8 avril 1954. En supprimant ces références, le législateur efface ce qu’il présente comme les dernières “bases législatives” du certificat, sans pour autant en créer de nouvelles.

Or ces bases étaient elles-mêmes illégitimes. La loi du 22 ventôse an XII émanait d’un régime consulaire issu d’un coup d’État ; celle de 1941 provenait d’un gouvernement de fait ; et la Constitution de 1958, qui encadre la loi du 31 décembre 1971, repose elle aussi sur une rupture manifeste de la légalité républicaine. Deux textes adoptés le même jour, le 3 juin 1958, ont servi à transférer la totalité du pouvoir constituant et législatif à l’exécutif. La première, intitulée “Loi constitutionnelle du 3 juin 1958”, prétendait déroger à l’article 90 de la Constitution de 1946, en autorisant le gouvernement investi le 1er juin 1958 à rédiger lui-même un projet de nouvelle Constitution. Par cet acte, l’Assemblée nationale s’est dépouillée de son pouvoir constituant pour le remettre à l’exécutif, en violation directe du principe de souveraineté populaire proclamé depuis 1793. La seconde, la loi n°58-520 du 3 juin 1958, a donné au même gouvernement la faculté de légiférer par ordonnances pendant six mois, c’est-à-dire de remplacer le Parlement dans l’exercice du pouvoir législatif. Ces deux textes, combinés, ont permis au général de Gaulle de concentrer entre ses mains la totalité du pouvoir constituant et normatif. La Constitution du 4 octobre 1958, née de cette délégation illégitime, n’est donc pas le fruit d’un pouvoir souverain, mais d’un acte administratif autoritaire. En droit, elle procède d’un gouvernement de fait, non d’un pouvoir constituant régulier. Aucune de ces normes n’a de valeur au regard de la souveraineté populaire de 1793.

Les décrets postérieurs et la fiction réglementaire

Après la promulgation de la loi de 1971, dépourvue de base constitutionnelle valide, le gouvernement entreprit de combler le vide juridique par une série de décrets. Le premier fut le décret n°72-715 du 31 juillet 1972, pris pour l’application de la loi, qui tenta de réglementer la délivrance du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Mais, faute de loi créatrice, ce décret n’avait lui-même aucun fondement normatif.

Huit ans plus tard, le décret n°80-234 du 2 avril 1980, intitulé « relatif à la formation des futurs avocats et au certificat d’aptitude à la profession d’avocat », prétendit réorganiser entièrement la formation professionnelle. Ce texte allait plus loin encore : il affirmait que “le certificat d’aptitude à la profession d’avocat est la sanction de la formation reçue au centre”, tout en confiant l’organisation des examens à des “centres de formation professionnelle” définis par la loi de 1971. Or cette loi n’avait jamais créé ces centres ni rétabli le certificat. Le décret de 1980 inventait donc, de manière unilatérale, une structure administrative et un diplôme sans aucune base législative.

Les visas du décret le prouvent : il se fondait non pas sur une loi créatrice du CAPA, mais sur un autre décret, le n°72-468 du 9 juin 1972, pris lui-même pour l’application de la loi du 31 décembre 1971. Cette chaîne circulaire de décrets d’application reposait sur un vide : chacun se référait au précédent, sans qu’aucun ne trouve sa source dans une disposition législative claire. C’est une construction normative purement autoréférentielle, en contradiction avec le principe de la hiérarchie des normes et avec l’article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la compétence de définir les garanties fondamentales accordées aux professions.

Le décret de 1991 et la persistance de la fiction

Le décret de 1980 fut lui-même abrogé par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. L’article 282 de ce dernier texte abrogea expressément “le décret n°80-234 du 2 avril 1980 relatif à la formation des futurs avocats et au certificat d’aptitude à la profession d’avocat”. Mais, paradoxalement, le décret de 1991 reprit le même dispositif dans sa “Section II – Certificat d’aptitude à la profession d’avocat” (articles 68 à 71), rétablissant par voie réglementaire un diplôme que ce même décret venait d’abroger. Autrement dit, le décret de 1991 supprime un texte sans base législative pour le remplacer par un autre tout aussi dépourvu de fondement. Le CAPA demeure ainsi une création purement réglementaire, issue d’une succession de décrets sans loi mère, c’est-à-dire une fiction administrative.

Depuis 1971, aucune loi n’a ni créé, ni rétabli, ni défini juridiquement le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. En réalité, ce certificat n’a jamais existé légalement : sa seule apparition historique provient d’un acte du régime de Vichy, déclaré nul en 1954 et jamais réinstitué par une norme législative régulière. Les lois postérieures, loin de combler ce vide, ont continué à exiger un diplôme inexistant en droit, en se bornant à en mentionner le nom sans en fonder la substance.

La loi n°90-1259 du 31 décembre 1990, qui a fusionné les professions d’avocat et de conseil juridique, n’a fait que modifier la terminologie des textes sans réintroduire de base légale au certificat. En 2023 encore, le décret n°2023-1125 du 1er décembre 2023, modifiant le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, continue d’en préciser les modalités, sans qu’aucune loi ne soit jamais intervenue pour en définir le principe même. Le CAPA demeure ainsi une création purement réglementaire, sans fondement législatif ni constitutionnel, née d’un acte de Vichy et perpétuée par des décrets successifs qui en dissimulent l’inexistence juridique.

Conclusion

L’étude du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat révèle un paradoxe fondateur du droit français moderne : un État prétendument républicain qui, depuis plus de deux siècles, bâtit ses institutions sur des ruptures anticonstitutionnelles. Le CAPA n’est pas un simple diplôme professionnel ; il symbolise la dislocation de la légalité républicaine. Né d’un régime de fait — celui du maréchal Pétain —, déclaré nul par la République en 1954, il a survécu par la seule inertie administrative, sans jamais être recréé par la loi. La continuité apparente de la formation juridique n’est qu’une illusion masquant la discontinuité du droit.

Chaque étape de son histoire confirme cette illégalité structurelle. Le Consulat de Bonaparte, fondé sur le coup d’État du 18 brumaire, a substitué à la souveraineté populaire la souveraineté du pouvoir exécutif. Le régime de Vichy, né d’une capitulation et d’une abdication de la République, a reproduit la même logique autoritaire en instituant un certificat professionnel dépourvu de tout fondement constitutionnel. Enfin, la Cinquième République, issue de la double loi du 3 juin 1958, a perpétué cette dérive en fondant sa légitimité sur une délégation de pouvoir constituant illégitime, rompant définitivement avec la continuité juridique du peuple souverain.

En conséquence, la loi du 31 décembre 1971, comme les décrets qui en découlent, ne peuvent être regardés comme des actes légitimes du pouvoir législatif républicain. Ils ne font que prolonger la fiction d’un État de droit qui, en réalité, repose sur des normes inconstitutionnelles. Le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat — pierre angulaire de l’accès au barreau — n’a jamais été créé par une loi républicaine valable. Son maintien dans le corpus juridique français relève donc d’une fraude normative continue : une obligation imposée par l’administration sans existence légale.

Ce constat dépasse la seule profession d’avocat. Il met en lumière un phénomène général : la France moderne vit sous un système de droit construit sur des actes de fait, non sur des décisions souveraines. La légalité y est remplacée par la régularité formelle, la souveraineté du peuple par la technocratie réglementaire. Tant que la Constitution du 24 juin 1793 — seule norme fondée sur le consentement direct du peuple — ne sera pas rétablie, aucune institution, aucune profession, aucun diplôme ne pourra se prévaloir d’une légitimité authentique.

Ainsi, le CAPA n’est pas seulement un faux diplôme au regard du droit ; il est le symbole d’un système juridique qui a trahi sa propre source de légitimité : le peuple souverain.